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C’est l'un des pires cauchemars des défenseurs de la médecine, de la santé et de la pensée rationnelle qui devient réalité: un promoteur de l'idée que les vaccins causent l'autisme fait une entrée fracassante dans l'équipe Trump. Robert Kennedy Jr a annoncé mardi après-midi qu’il présiderait la nouvelle « commission sur la sécurité des vaccins et l’intégrité scientifique ».

Pour comprendre l’inquiétude qui gagne les observateurs de la santé avec cette annonce, il n'est pas nécessaire de refaire l'évolution du mouvement antivaccination depuis 20 ans, il suffit de lire deux textes parus depuis le Jour de l’An :

  1. Un reportage sur un hôpital privé de Cleveland (Ohio), mis dans l’embarras par un texte antivaccins publié vendredi dernier par son directeur de « l’Institut du bien-être » (Wellness Institute). L’hôpital s’est rapidement dissocié de ces propos, mais le fait que l’auteur soit un médecin, et que l’Institut vende à prix fort des « kits homéopathiques », n’a pas fini de faire jaser.
  2. Un récit du journaliste scientifique américain Keith Kloor, où celui-ci fait état des attaques dont sont désormais l’objet des journalistes qui couvrent le climat, la vaccination ou les OGM. « Les plus ardents partisans de Trump vivent dans une bulle d’info possédant ses propres règles, et il en est de même pour les défenseurs passionnés de Kennedy et de Wakefield » —ce dernier étant le médecin britannique qui avait lancé en 1998 l’idée aujourd’hui discréditée d’un lien entre vaccination et autisme.

Après sa rencontre mardi après-midi avec le futur président des États-Unis dans la Tour Trump à New York, Robert Kennedy Jr a déclaré aux journalistes que son interlocuteur partageait « ses doutes et ses questions » à propos des vaccins.

ll est pro-vaccin, tout comme moi. Mais tout le monde devrait être capable d’être assuré que les vaccins que nous avons sont aussi sécuritaires qu’il est possible de l’être.

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Il faut rappeler qu’en entrevue au New York Times en novembre, Trump avait déclaré être « ouvert d’esprit » sur la question du climat —ce qui s’est traduit par le cabinet le plus climatosceptique de l’histoire des États-Unis.

Dans un communiqué émis après la rencontre, le bureau du président-élu a toutefois parlé de « la possibilité d'un comité sur l'autisme » sans préciser s'il s'agissait d'un rétropédalage ou d'une instance distincte de la commission annoncée par Kennedy.

Un président dangereux pour la santé publique

Des rumeurs avaient circulé il y a quelques semaines au sujet de la sympathie du millionnaire à l’égard du lien vaccin-autisme, après une rencontre avec Wakefield lui-même au cours de l’été. Une rencontre qui avait « énergisé » les mouvements antivaccination, écrivait StatNews en novembre.

Le candidat Trump avait également fait allusion à un garçon « maintenant autistique » à cause du vaccin, sans jamais fournir de nom, de lieu ou citer une source fiable, lors d’un débat télévisé en 2015. L’Association américaine des pédiatres avait qualifié ce commentaire de « dangereux pour la santé publique », rappelant que des millions de gens prennent pour argent comptant tout ce que leur candidat peut dire.

Mardi après-midi, la même association a promptement offert à la nouvelle « commission sur la sécurité des vaccins » de partager avec elle « l’ampleur de la preuve scientifique » sur la vaccination.

Mais la pensée rationnelle aura beaucoup de difficultés à percer la bulle à l’intérieur de laquelle s’enferment ces croyants, s'inquiétait le journaliste Keith Kloor la semaine dernière. En partie parce que la désinformation a gagné en intensité depuis l’époque de la guerre du tabac. Aujourd’hui, disent les sociologues, grâce à Facebook, il est plus facile que jamais de s’enfermer dans une bulle informationnelle où on n’entend plus que les opinions qui confortent notre opinion. Et dans le cas dont il est question ici, c’est d’une bulle férocement anti-establishment dont il s’agit, détaillait Kloor :

Ces bulles nourrissent le dédain pour les visages et les institutions de l’establishment. Les faits objectifs ne peuvent pas y pénétrer... Une grande partie du pays s’est éloignée du journalisme et a choisi une réalité alternative.

Le président de la Société américaine de l’autisme, Scott Badesch, n’a pas tardé à se désoler de la nouvelle : « il y a eu une longue discussion pour savoir si les vaccins causent l’autisme. Tout suggère qu’il n’existe aucun lien. » D’autres intervenants craignent déjà de voir des parents se détourner du vaccin rougeole-rubéole-oreillons du simple fait que « l’opinion » semblera désormais accompagnée du sceau présidentiel.

Une autre illustration de la pente glissante de la désinformation dans la dernière décennie est fournie par l’historien Yoni Appelbaum : c’est le président Richard Nixon —un républicain— qui, en 1969, avait louangé la campagne mondiale de vaccination contre la variole. Et c’est le président Ronald Reagan lui-même —un autre républicain— qui, en 1986, avait décerné une des plus hautes récompenses de son pays —la Médaille de la liberté— au Dr Albert Sabin, découvreur du vaccin oral contre la polio.

Selon le Centre de contrôle des maladies (CDC), l’organisme qui, aux États-Unis, est chargé entre autres de suivre à la trace l’évolution des maladies, la vaccination infantile aurait prévenu 322 millions de maladies entre 1994 et 2013, une économie en soins de santé évaluée à 1400 milliards$.

( Ajout 11 janvier, 23h ) Robert Kennedy a appelé les mouvements antivaccins à se mobiliser pour convaincre le futur président de mettre en place cette commission, selon BuzzFeed. Interviewé par Science, il a par ailleurs qualifié le CDC de coeur du problème du programme de vaccination.

( Ajout 19 janvier, 10h ) "Les croyances antivaccination avancent de pair avec un manque de confiance dans le gouvernement. Nous sommes au milieu d'une situation parfaite" -Reportage de The Atlantic sur ces médecins qui recommandent de ne pas vacciner les enfants.

( Ajout 19 janvier, 12h ) La commission anti-vaccins de Trump est une idée biaisée et dangereuse, écrit Nature en éditorial. "Les scientifiques doivent combattre."

( Ajout 22 janvier, 21h ) Andrew Wakefield était parmi les invités du bal inaugural du président Trump. Son apparition a déclenché un flot de messages sur les réseaux sociaux (StatNews)

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