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Des centaines de millions de dollars, et peut-être des dizaines de milliers de vie, sont en jeu autour de vos… crottes. Et celles de vos voisins et du reste de l’humanité. L’enjeu étant : qui aura le droit de se servir dans vos excréments.

Le sujet a de quoi en dégoûter plus d’un, ce qui explique en partie qu’il ait du mal à décoller : on sait en effet depuis des années maintenant que des transplantations de matières fécales d’un donneur en bonne santé peuvent aider à reconstruire la flore bactérienne d’un malade. On pense à des malades dont ladite flore a été décimée par un traitement aux antibiotiques — ce qui permet à la bien connue bactérie C. difficile de prendre beaucoup trop de place. Aux États-Unis, le Centre de contrôle des maladies (CDC) estime que 500 000 Américains sont victimes chaque année d’une infection à la C. difficile, que 29 000 en sont morts dans les 30 jours suivants, et que 15 000 de ces décès « sont directement attribuables » à la C. difficile.

Mais l’idée d’un traitement aux matières fécales se heurte à une autre difficulté que notre bon goût. Quel est leur statut légal ? Faut-il les classifier comme un médicament, ou comme un don d’organe ? La réponse à cette question va déterminer quelles règlementations s’appliqueront — des tests jusqu’aux « greffes » — combien ça coûtera et — d’où l’intérêt des compagnies — qui pourra encaisser les profits.

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Dès 2013, l’agence américaine des aliments et drogues (FDA) avait publié un « premier jet » d’une règlementation — en gros, une suggestion de lignes directrices pour l’industrie — qui définissait le traitement comme un médicament. Il était alors écrit que davantage d’études seraient nécessaires avant d’en arriver à des règles définitives. Selon un reportage du New York Times, cette décision serait à présent imminente.

Ce qui a changé depuis 2013, c’est notre connaissance du microbiome — l’écosystème de microbes qui vit en nous — et la prise de conscience qu’il s’agit d’une partie critique au bon fonctionnement de notre corps — ce qui le rapproche donc de la définition d’un organe. C’est sur cela que s’appuient les défenseurs de l’idée que la transplantation de matières fécales soit assimilable à la transplantation d’organes, et qui, dans le reportage du Times, craignent de voir la FDA favoriser les intérêts des compagnies pharmaceutiques : déjà, trois d’entre elles ont recueilli des dizaines de millions de dollars d’investisseurs privés et ont formé une association pour défendre leurs intérêts. À l’inverse, l’idée de l’assimiler à un médicament peut permettre davantage d’efficacité dans la distribution du « produit » que le modèle du transfert de personne à personne.  

Selon une estimation publiée en 2017 par la firme de consultants GlobalData, le marché pour des médicaments destinés à combattre la C. difficile pourrait atteindre les 1,7 milliard de dollars en 2026. Certes, tout cet argent n’irait pas dans les excréments, mais ça donne une idée du potentiel.

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