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Les gouvernements parlent beaucoup de désinformation en politique, depuis deux ans. Mais ils sous-estiment peut-être la désinformation en santé. Au Québec, l’intimidation et les menaces dont a été victime le Pharmachien viennent de le rappeler. Mais aux quatre coins du monde, un tour d’horizon rappelle constamment que, sur Facebook, la désinformation nage comme un poisson dans l’eau.

  • En Argentine, une vidéo proclamant faussement que de piquer les doigts et les oreilles d’une personne pendant une crise cardiaque peut lui sauver la vie. La vidéo réapparaît irrégulièrement depuis 2013.
  • Au Nigéria, une fausse nouvelle sur l’eau salée pour guérir d’Ebola.
  • Aux États-Unis, une affirmation selon laquelle les immigrants sans statut auront gratuitement accès à l’assurance-maladie (Medicare) pour laquelle les personnes âgées doivent payer. Ce qui est doublement faux : les sans-statuts n’y ont pas accès, et les citoyens américains n’ont pas à payer.

Plusieurs de ces nouvelles ont pourtant reçu ces dernières semaines un « avertissement » de Facebook, dans le cadre de son partenariat établi en 2016-2017 avec des médias vérificateurs de faits : certains d’entre eux ont en effet publié des textes déboulonnant ces fausses informations, ce qui ne les empêche pas de continuer à circuler, rapporte cette semaine le journaliste Daniel Funke, de l’Institut Poynter,

Certes, il y a deux semaines, Facebook et Pinterest ont tous deux annoncé qu’ils allaient prendre des mesures pour « bloquer » (dans le cas de Pinterest) ou « agir » (dans le cas de Facebook) contre les recherches sur l’anti-vaccination faites sur leurs plateformes. Facebook a renchéri jeudi par un plan censé réduire les occurrences des messages anti-vaccination sur les fils des usagers. Mais cette annonce pourrait bien être contrebalancée par l'autre annonce, faite mercredi par Mark Zuckerberg : des changements à l’algorithme de Facebook qui vont, entre autres, favoriser l’expansion des groupes privés. « Facebook passera progressivement de la plateforme ouverte et publique actuelle à un réseau social mettant de l'avant les cercles privés, les communications chiffrées et les contenus éphémères ».

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Quel rapport avec la désinformation ? Rien de mieux pour un amateur de littérature anti-vaccins, climatosceptique créationniste ou Terre-platiste, que de s’enfermer dans un groupe privé où il peut ne lire et n’écouter que ce qui confirme ses opinions. Si cette nouvelle réforme de l’algorithme se rend à terme, Mark Zuckerberg pourrait réussir à camoufler le plus gros de ses problèmes d’images des dernières années : fausses nouvelles, discours haineux, ingérences dans les élections et harcèlements. Mais ils seront toujours présents, et peut-être même plus forts que jamais.

Déjà en février, le quotidien britannique The Guardian révélait à quel point la lutte contre la désinformation sur Facebook devait désormais voir les groupes privés comme un nouveau champ de bataille. Il donnait en exemple le groupe privé Stop Mandatory Vaccination, qui compte à lui seul 150 000 membres, et qui présente comme avantage que pour y avoir accès, il faut être « approuvé » par les administrateurs. Ce qui réduit la possibilité que ses membres aient accès à de l’information qui confrontera leurs croyances. The Guardian avait également publié deux semaines plus tôt une enquête concluant que, sur Facebook, les résultats de recherche sur la vaccination sont « dominés par la propagande anti-vaccins », tandis que sur YouTube, les recommandations de l’algorithme glissent rapidement des conseils médicaux légitimes vers la désinformation.

L’Organisation mondiale de la santé n’incluait pas les réseaux sociaux dans son alerte récente, qui plaçait « l’hésitation à vacciner » parmi les 10 menaces de 2019 à la santé publique. Mais d’autres n’ont pas manqué de faire le lien. En fait, dès 2017, les chercheurs Ayelet Evrony et Arthur Caplan publiaient un court appel à l’action, dans la revue Human Vaccines and Immunotherapeutics, face à ce qu’ils appelaient « les risques sous-estimés des groupes anti-vaccination sur les réseaux sociaux ».

L’impact qu’ont ces (groupes) exige une attention plus sérieuse, plus critique, de la part des responsables de la santé, des universitaires, de la communauté médicale et des médias. Être en désaccord avec des faits solides est un choix que quiconque peut faire. Disséminer des faussetés, de la désinformation et déformer les faits à propos des vaccins est un choix qui ne doit pas passer inaperçu ou sans remise en question.

Les alertes à la rougeole des dernières semaines aux États-Unis ont contribué en partie à attirer l’attention sur le rôle néfaste joué par ces plateformes, et à donner des munitions aux élus qui voudraient les réglementer.

Ce n’est pas un hasard si, cette semaine, l’adolescent de l’Ohio, Ethan Lindenberger, celui qui s’est fait connaître pour avoir défié ses parents qui avaient refusé de le faire vacciner, a été invité à témoigner devant le comité du Sénat des États-Unis sur la santé. À la question qui lui a été posée, sur les sources d’information utilisées par sa mère, sa réponse a été, sans surprise : « Facebook ».

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