douleur-sculpture

Nous étions une vingtaine de personnes réunies autour d’une sculpture titrée « Pull and Push » (tirer et pousser), une œuvre de l’artiste et art-thérapiste Sabrina Landecker. Invités à marcher autour et à s’adresser à cette sculpture criante de douleurs et de résilience – comme le symbolisent les cadenas ouverts dispersés sur le corps mis à nu de cette femme blessée – nous étions stupéfaits et émus par cette interprétation libre de la souffrance.

« Il s’agit de mieux comprendre la douleur en utilisant l’imagination et la création pour transcender cette réalité. C’est une invitation, à travers l’art et le jeu, pour trouver des stratégies ouvertes et de la résilience face à la souffrance », résume la chercheuse Najmeh Khalili-Mahani du Laboratoire des médias et de la santé (Media Health Lab) de l’Université Concordia et organisatrice du premier évènement Play the Pain (« Jouer/déjouer la douleur ») organisé récemment dans l’enceinte de l’Université.

Avec leurs vitres ouvertes sur la rue, les deux journées d’ateliers et de projets artistiques, en octobre, cherchaient à alerter le quidam. Mais les activités servaient aussi à éveiller les participants, des étudiants aux chercheurs, sur les possibilités de moduler ses douleurs par le jeu et l’art. Par exemple, un laboratoire improvisé sur l’anxiété et les troubles obsessifs-compulsifs, avec tribune, tableau blanc et boîtes à surprise, invitait les curieux à expérimenter ce que vivent les personnes aux prises avec l’anxiété : faire un discours face à une foule, s’approcher d’une araignée géante au sein d’un terrarium, toucher avec les doigts l’intérieur d’une cuvette de toilette, etc.

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Une expérimentation plutôt inconfortable. « Comme chercheuse spécialisée dans le stress, je suis partie de ma propre expérience pour monter ces deux journées d’expérimentation. Ma sœur atteinte de cancer du poumon a commencé à s’approprier les médias sociaux et à témoigner de sa douleur en se filmant dans son intimité. Ces récits ont rejoint de nombreux internautes du monde entier avec qui elle a commencé à converser et elle a été invitée pour parler de son expérience. Les patients ont beaucoup à dire sur ce qu’ils vivent », relève la Pre Khalili-Mahani.

Le laboratoire des médias et de la santé explore diverses avenues thérapeutiques à travers la culture électronique et les jeux en ligne. L’objectif est d’aider les personnes atteintes de douleurs chroniques ou de troubles anxieux à reprendre le contrôle sur leur souffrance.

Une « clinique de jeux » (Game Clinic) propose plus spécifiquement des stimulations aux aînés et aux patients souffrant de troubles psychologiques et neurologiques. « Les personnes âgées aiment jouer et les jeux en ligne les invitent aux interactions et à la participation. Les jeux en réseau jouent alors le rôle de pont entre des personnes plus isolées et moins mobiles », note la chercheuse Janis Timm-Bottos, du département des thérapies par les arts.

Ainsi, le projet collaboratif « Meet me at the Mall » cible les aînés pour comprendre l’impact qu’ont les jeux et les médias immersifs sur leur bien-être, tout comme les « grands-mères joueuses » (Gaming Grannies), le tout premier projet de la Game Clinic, explorant l’influence des jeux sur cette population plus âgée.

Les aînés, par leur participation à la recherche, aident ainsi les scientifiques à trouver les meilleurs jeux pour leur génération; ceux susceptibles d’améliorer leur attention, leurs habiletés perceptives et exécutives mais aussi leur sens de la planification et de l’adaptation. Tout en s’amusant et en socialisant!

Dans les entrailles de la douleur chronique

En matinée, au cours d’un atelier de discussion, les participants ont tenté de définir les dessous de la souffrance, physique et émotionnelle, de mieux cerner le stress et la douleur chronique, et ont  aussi fait place aux options non médicamenteuses pour lutter contre cette souffrance.

« La prise de conscience de la douleur émotionnelle reste importante. Plus on vit de stress, plus on ressent de la douleur. Les émotions affectent le corps et jouent un rôle dans la douleur chronique », rappelle la Pre Khalili-Mahani.

La douleur chronique touche une personne sur cinq – 20% de la population, selon l’Association québécoise de la douleur chronique – et certaines maladies y sont plus particulièrement associées : l’arthrite, la sclérose en plaque, la fibromyalgie, le zona et les autres neuropathies.

Les distractions, qu’elles proviennent de l’art ou du jeu, aident donc à atténuer les situations malaisées de souffrance et de vulnérabilité. « Parler de sa douleur, partager son histoire grâce aux nouvelles technologies et même connecter avec les autres à travers des jeux en ligne, aident à apprivoiser la souffrance. C’est pourquoi nous souhaitons produire des recherches non pas quantitatives mais qualitatives, pour explorer ces aides non-médicamenteuses », poursuit la Pre Khalili-Mahani.

La musique, l’humour et les clowns, le yoga et la méditation, sont d’autres voies à explorer. La seconde journée de Play the Pain misait d’ailleurs sur l’activité physique et les arts afin de faire un autre pied-de-nez à la souffrance et mettre le doigt sur d’autres stratégies gagnantes.

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