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Reléguées dans l’ombre par les théories du complot entourant la COVID, les récits d’objets volants non identifiés (OVNI) ont pourtant toujours la cote. Au point où, avec un recul de plus de 75 ans, on découvre que ce sont souvent les mêmes histoires qui sont recyclées, et parfois les mêmes protagonistes. 

Et certains de ces protagonistes vont jusqu’à avouer qu’ils ont juste inventé ça pour « s’amuser ». C’est par exemple le cas de l’auteur du pseudo-documentaire d’une autopsie d’extraterrestre, diffusé en 1995 à Fox Television: il a déclaré deux décennies plus tard, en 2017, qu’il regrettait cette tromperie mais que « c’était une blague, un peu amusante » (it was a joke, a bit of fun). 

Le film de 17 minutes, en noir et blanc, qui montrait supposément des médecins militaires en train d’examiner un humanoïde à la peau grise « ayant l’apparence » d’un extraterrestre, a été si populaire qu’il a été rediffusé deux fois à Fox cette même année, incluant des « images supplémentaires » des restes de la soucoupe qui se serait écrasée près de Roswell, au Nouveau-Mexique. 

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Mais même les consommateurs avides de récits d’OVNI semblent admettre que beaucoup de ces récits, et pas juste celui-là, ne sont pas à prendre au sérieux, écrit l’auteur Keith Kloor dans la dernière édition du Scientific American. Il cite l’astrophysicien Adam Frank, de l’Université de Rochester, pour qui « on aime tous parler d’extraterrestres », même si « ça n’a rien à voir avec la science ». 

C’est peut-être ce qui explique qu’à intervalles réguliers depuis 75 ans —la croyance en une soucoupe volante écrasée près de Roswell remonte au 14 juin 1947— l’histoire d’un tel engin refait surface. Il serait « étudié » en secret par l’armée américaine, et chaque fois, un nouveau « lanceur d’alerte » ou un obscur « expert du Pentagone » proclame avoir été un témoin de quelque chose. Le dernier en date, en juin, était présenté comme un ex-employé, récemment retraité, de la communauté américaine du Renseignement. Chaque fois, les nouvelles « révélations » ne contiennent  pas de preuve tangible, ce qui n’empêche pas les commentateurs enthousiastes de décortiquer les photos floues et les témoignages, aussi vagues soient-ils.

L’an dernier, un sondage réalisé à l’occasion du 75e anniversaire de « l’incident Roswell » concluait que le tiers des Américains pensaient que « ça aurait pu être » des extraterrestres.

Le besoin de croire est fermement ancré en nous, écrit l’auteur Marc Fitch dans un livre intitulé Paranormal Nation: Why America Needs Ghosts, UFOs, and Bigfoot. Que ce soient les fantômes, Bigfoot ou le Loch Ness, des croyances se perpétuent d’une génération à l’autre. Mais il y a peut-être quelque chose de différent dans la croyance aux visiteurs d’une autre planète, notait une recherche publiée en 2006: au contraire de Bigfoot, c’est nourri par la science-fiction, voire par la science elle-même —puisque les progrès de l’astronomie et de la biologie ont rendu crédible, dans les dernières décennies, que l’apparition de la vie puisse être un phénomène cosmique répandu. 

Mais entre les hypothétiques bactéries sur des lunes de Jupiter, et des visiteurs qui nous tourneraient autour et qui perdraient de temps en temps un de leurs vaisseaux, il y a une marge. À l’occasion, note Keith Kloor, même les plus fidèles croyants doivent faire un sérieux acte de foi. 

Il donne en exemple le « nouveau mythe », un ranch de l’Utah censé être un « carrefour » pour OVNI, mais aussi pour poltergeists, mutilations animales et « créatures fantômes ». Il en a résulté une « télé-réalité » sur la chaîne de télé History appelée Le secret du ranch Skinwalker, dont le principal protagoniste est un astrophysicien retraité du ministère américain de la Défense. Cette même personne a aussi été sur le groupe de travail de 2022 du Pentagone consacré aux « phénomènes aériens non-identifiés ». 

Il a donc un CV crédible, mais ça ne l’empêche pas, comme d’autres « influenceurs » de ce milieu, de continuellement se contenter de « preuves » douteuses ou invérifiables. Il avait d’ailleurs été un invité fréquent d’un autre série de pseudo-documentaires appelée Ancient Aliens

« Ne vous laissez pas tromper », dénonçait au sujet de ces influenceurs, en 2021, l’auteur Mick West, connu pour ses efforts de « déboulonnage » de leurs récits. À moins, bien sûr, que vous ne vouliez être trompés, parce que c’est divertissant. Comme le film d’ une autopsie d’extraterrestre.

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