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Au Québec, se loger devient de plus en plus hors de portée des populations les plus vulnérables. Parmi elles, les personnes itinérantes, celles en situation de handicap ou vivant avec une déficience intellectuelle.

Il y a une relation entre itinérance et handicaps physiques ou intellectuels. « Plus on cumule de problématiques, plus on vit d’exclusions : emploi, logement, vie sociale, etc.», résume Laurence Roy, professeure à l’École de physiothérapie et d’ergothérapie de l’Université McGill et co-organisatrice du colloque « Itinérance, handicap et déficience », organisé cette semaine à l’Université d’Ottawa dans le cadre du congrès de l’Acfas. 

Or, les hébergements provisoires ne sont pas tous adaptés à la complexité des vécus des personnes itinérantes, dont certaines sont aux prises avec de la dépendance, des problèmes de santé mentale ou divers handicaps. Les portraits diffèrent et les solutions se doivent d’être plus personnalisées.

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Même lorsqu’on ne parle que de consommation de substances, le mot « dépendance » couvre des réalités très variées. « Le  diagnostic de troubles de substances touche entre 0,1% et 32% des itinérants – un écart différent selon les profils - et ça va de la forte consommation épisodique des jeunes jusqu'à la consommation, plus modérée mais régulière, des plus de 55 ans en matière de médicaments », relève Vincent Wagner, professeur associé à l’Institut universitaire sur les dépendances de la Faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke.

En France aussi, les itinérants combinant précarité et handicap trouvent plus difficilement un toit. Les résultats d’une étude sur l'utilisation des services d'urgence sociale de Paris par les sans-abris aux prises avec des déficiences motrices ou sensorielles, montrent un manque de ressources et d’accompagnement.

« Ce qui est un peu paradoxal, c’est qu’avoir un handicap, cela fait rentrer plus rapidement dans le système, mais l’expérience concrète est si terrible que ces personnes quittent ces ressources et préfèrent rester dans la rue », soutient Stéphane Rullac, sociologue et chercheur à la Haute école de travail social et de la santé Lausanne, de Suisse.

En tentant de documenter les divers usages de ces ressources d’urgence, les chercheurs ont découvert une grande difficulté à répondre aux besoins spécifiques de cette population. « Ce n’est pas que les personnes ne connaissent pas les ressources, c’est que le plus souvent, elles ne veulent pas les utiliser »: 41% refusent et 17% aimeraient faire sans, poursuit Stéphane Rullac.

Son équipe a produit une étude ethnographique, un glossaire de traduction, un web-documentaire, « Handicap sans abri », et un livre blanc avec des recommandations.

Des recommandations, parce que trop souvent, les politiques ne tiennent pas compte des obstacles vécus par ces personnes à la fois itinérantes et handicapées. « Il y a tout un réseau de compétences à créer et des pratiques à développer, entre les différents professionnels » de la santé et des services sociaux, détaille Lydie Gibey, directrice du Centre régional pour l'enfance et l'adolescence Inadaptée (CREAI) de l’Île-de-France.

Adapter le logement à l’humain

C'est ce que vivent de nombreuses femmes en situation de handicap qui peinent à trouver un toit après un parcours parsemé de violence et d’isolement.

Il y a peu de chiffres sur le nombre de femmes handicapées qui se retrouvent à la rue, mais elles seraient deux fois plus à risque de subir de la violence conjugale que leurs consœurs, et encore plus lorsqu’elles sont immigrantes, selon un précédent colloque de l’Acfas.

La maison d’hébergement montréalaise pour femmes et enfants, Logifem, a voulu rendre ses espaces plus inclusifs. « Cela a commencé par l’achat de meubles, mais nous nous sommes rendu compte qu’il fallait aussi arrimer le quotidien des utilisatrices à la vie de la maison d’hébergement », présente l’ergothérapeute clinique de Logifem, Vanessa Seto.

Cela se traduit par des chambres munies d’une salle de bain adaptée; des portes automatiques et d'une rampe accès; ou des interrupteurs placés plus bas. « Il y a eu de nombreuses modifications pour adapter la maison, sans compter les partenariats avec des services à domicile », résume Sally Richmond, la directrice de Logifem. Et accueillir des femmes avec un handicap, cela a demandé également de l’apprentissage pour le personnel. 

C’est plus facile lorsque la conception de la maison adaptée arrive au tout début du processus, comme cela l’a été avec le projet « J’ai mon appart’ », à Shawinigan. Il s’agissait de bâtir une résidence avec 12 logements supervisés et à loyer modique, pour des adultes avec une déficience intellectuelle ou un trouble de l’autisme. C’est une maison alternative, « un tremplin pour prendre sa place dans la société », présente Martin Caouette, titulaire de la Chaire de recherche autodétermination et handicap et professeur au Département de psychoéducation de l’Université du Québec à Trois-Rivières.

Un des logements est réservé à un locataire ressource – généralement un aîné, qui est là en soutien aux autres locataires, pour les petites choses de la vie quotidienne et les enjeux relationnels.

Initié en 2018 par des parents qui voulaient permettre à leurs enfants adultes de dire avec fierté « Moi aussi, j’ai mon appart’ », ce projet a bénéficié du Programme Accès Logis, avec l’appui du conseil municipal, qui a donné un terrain pour la construction de l'immeuble.

« Accéder un logement, cela influence toute la trajectoire de vie. C’est bénéfique pour trouver un emploi, pour les relations amoureuses et pour bien d’autres activités », conclut Martin Caouette.

 

Le 5e paragraphe du dernier segment a été modifié le 20 mai pour clarifier la citation de M. Caouette. 

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