Le chant choral contribue à une meilleure santé, à la sociabilité et au bien-être des personnes atteintes de démence, de Covid longue ou de santé mentale. Chanter en groupe leur fait du bien, et ce même à distance et malgré les limitations techniques.
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« C’est un moyen accessible de socialiser », relève Anna Zumbansen, la directrice adjointe de l'Institut de recherche en musique et santé de l’Université d’Ottawa et co-organisatrice du colloque sur « Les bienfaits de la musique sur la santé », qui était présenté la semaine dernière au congrès de l’Acfas.
Son étude, réalisée avec sa collègue de l’Université d’Ottawa Rebecca MacDonald, conclut qu’avoir une chorale en ligne l’emporte sur l’absence de chorale pour les patients atteints de démence.
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Les chorales sont passées en virtuel avec la pandémie, ce qui a pu mécontenter de nombreux amateurs. Mais cette formule a rendu cette activité plus facile pour les patients atteints d’Alzheimer et leurs proches aidants.
Sans le stress du transport, elle offre de nombreux bénéfices pour ces adultes, à commencer par la poursuite d’une activité artistique qu’ils aiment. « Cela va améliorer leur qualité de vie et rompre leur isolement. Appartenir à une communauté de chant, c’est aussi stimulant », résume la chercheuse.
Il s’agit d’une toute petite étude —12 participants, dont 5 atteints de symptômes cognitifs majoritairement légers— avec des personnes qui avaient déjà chanté en chorale. Quelques problèmes d’audition et de connexion technique ne les ont pas découragés.
Comme la chorale a débuté en ligne, les participants ne jugeaient pas cela insatisfaisant, et ils ont même relevé des avantages : l’accessibilité, la possibilité d’entendre clairement sa propre voix et d’être plus détendu qu’en personne.
« C’est donc l’option la plus attirante pour ces patients. Elle pourrait être élargie à de nombreux ainés qui ne peuvent pas se déplacer », remarque la chercheuse. L’équipe entend poursuivre des travaux sur les chorales en mode hybride – à distance et en présence – et les groupes intergénérationnels de chants.
De la Covid longue à la santé mentale
Les personnes atteintes de Covid longue retireraient elles aussi de nombreux bienfaits du chant en ligne. Sachant que parmi les symptômes de la Covid longue, on retrouve le manque de souffle et de concentration, « des personnes de tous âges apprennent à mieux utiliser leur respiration —comme le font les chanteuses d’opéra— en même temps qu'elles apprennent à chanter en groupe », présentait au même colloque Pierre Vachon, le directeur de l’action sociale et de l’éducation à l’Opéra de Montréal.
Cette intervention, faite d’ateliers virtuels du nom de «Respirer », initiés par l'Opéra de Montréal en 2022 avec la collaboration de l’Institut de recherches cliniques de Montréal, rassemble en ligne des patients qui sont dirigés par une chanteuse durant près de 15 semaines.
Par ailleurs, l’Opéra de Montréal développe aussi depuis 2018 « Espace Transition à l’opéra », un projet en santé mentale en collaboration avec le CHU Sainte-Justine à l’intention des 14-25 ans. Cet atelier de co-création offre à une dizaine de jeunes ayant des troubles de santé mentale stabilisés de prendre part à la création d’une œuvre collective. Une activité encadrée par des équipes clinique et artistique où tout le monde participe à l’élaboration du texte de la pièce, mais aussi à la scénographie ou à l’éclairage.
Le plus récent projet, lancé en 2023, vise aussi la déstigmatisation. « La voix harmonisée » est un programme d’ateliers destinés à aider les femmes transgenres à harmoniser leur voix avec leur identité de genre. Dans les locaux de l’opéra, les participantes vont apprendre à moduler leurs voix de poitrine et de tête à l’aide des techniques de chants utilisées lors de l’échauffement des artistes.
« C’est un cheminement à la fois physique et psychologique qui peut être long. Il y a un enjeu d’identité et d’acceptation de soi », ajoute M. Vachon.
En avant la musique!
Faire de la musique régulièrement a donc beaucoup de bienfaits tant sur la santé globale que sur la cognition. Et le faire avec des plus jeunes et des plus vieux que soi, pourrait apporter d’autres bénéfices. « Cela augmente la confiance en soi des adolescents et la motivation des adultes. Le fait que tout le monde soit sur un pied d’égalité, cela valorise les jeunes », soutient Simon Eldaoud, étudiant à la maitrise en psychologie à l’Université d’Ottawa.
L’étude à paraître sur les bénéfices éducationnels, psychologiques et sociaux de la participation à un orchestre communautaire intergénérationnel, montre l’influence positive de mêler les générations autour d’un but artistique commun.
Le Grand Orchestre Grande Rivière rassemble plus de 50 musiciens de l’école secondaire Grande-Rivière de Gatineau, en Outaouais. Depuis septembre 2016, la professeure et chef du département de musique, Denise Simard-Lapointe, a ouvert la porte aux anciens étudiants, parents d’étudiants ou professeurs du département de musique.
Les participants de l’étude —61% d’adultes et 39% d’adolescents, 65% de femmes— voient la socialisation et la réalisation de soi comme les facteurs les plus importants. Des bénéfices sociaux et psychologiques presque aussi importants que les bénéfices éducatifs qu’apporte l’apprentissage d’un instrument.
À cela s’ajoute l’entraide, le travail d’équipe et le plaisir, citent les participants. « Les adultes et les adolescents aiment jouer ensemble et créer des liens. Cela a aussi un effet thérapeutique, ça change les idées, joue sur l’humeur et réduit le stress », note le chercheur.
C’est pourquoi la musique pourrait être une solution pour certains types de problèmes mentaux, comme les troubles de l’humeur et l’anxiété, affirme le directeur fondateur de l'Institut de recherche en musique et santé de l'Université d'Ottawa, Gilles Comeau. « Le cerveau s’illumine comme un arbre de noël avec la musique. C’est intrinsèquement agréable, comme pour les sportifs, le cerveau libère des décharges chimiques qui vont nous faire du bien. »
Le chercheur principal de la clinique de recherche sur la musique et la santé mentale au Centre de santé mentale, soins et recherche - Royal Ottawa, tente de comprendre à travers plusieurs programmes comment agit la musique et comment développer une approche individualisée pour les plus âgés.
Les ateliers se basent sur la pédagogie Dalcroze intégrant l’écoute et la réponse corporelle en groupe – une méthode douce adaptée aux ainés souffrant d’un léger trouble cognitif. Lorsqu’on vieillit ou qu’on a des lésions au cerveau, on ne perd étonnamment pas le sens de la musique.
« Ce que l’on perd, ce sont des capacités émotionnelles, le sens du rythme ou notre capacité à chanter juste, mais la musique « habite » plusieurs régions du cerveau. Et le plaisir est toujours là », ajoute le chercheur.