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Le plus gros projet international de fusion nucléaire, en construction en France depuis 2006, est peut-être aussi le projet international le plus en retard de l’histoire. Au point où il pourrait être débranché, parce que trop gros et trop coûteux.

ITER, pour International Thermonuclear Experimental Reactor, est un prototype de réacteur à fusion nucléaire. C’est une collaboration entre 35 pays dont la Chine, l’Inde et les États-Unis. Et on savait, il y a deux décennies, qu’il s’agissait d’un pari ambitieux: la fusion nucléaire, qui est l’énergie qui fait briller le Soleil, est un rêve vieux de 60 ans. S’il se réalisait, ce serait une énergie illimitée et sans déchets, au contraire des actuels réacteurs nucléaires qui fonctionnent sur le principe de la « fission ». 

À l’origine en 2006, ITER était un projet de 10 ans devant coûter 6,3 milliards$ US. La facture s’élève à présent à 22 milliards$. La fin de la construction, après de multiples délais, était annoncée, jusqu’à l’an dernier, pour 2025. Cette nouvelle date semblait de plus en plus irréaliste, mais ce n’est qu’à présent qu’on confirme qu’il faudrait plutôt attendre 2035 (l’annonce officielle est prévue pour le 3 juillet). 

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Les experts ont toujours su que les obstacles technologiques étaient énormes: il faut, après tout, produire une énergie équivalente au Soleil, et la produire de façon continue —et non pas pendant une fraction de seconde, comme cela a déjà été accompli avec des centrales expérimentales appelées Tokamak. Il faut pour cela obtenir une température de l’ordre de 100 millions de degrés et une pression gigantesque. Il se crée alors un plasma, un état de la matière dont la densité doit être suffisante et durable, afin que d’autres noyaux d’atomes se rencontrent et fusionnent en continu. Et il faut les technologies nécessaires à garder tout cela, littéralement, à l’intérieur des murs —ce que les ingénieurs appellent une enceinte de confinement. 

Or, depuis 2006, d’autres équipes ailleurs dans le monde ont progressé par d’autres voies, qui impliquent —en théorie— des assemblages moins coûteux. À titre d’exemple, en 2019, le réacteur expérimental sud-coréen KSTAR (Korea Superconducting Tokamak Advanced Research) a atteint un nouveau record avec une fusion nucléaire pendant 8 secondes. Il est passé à 20 secondes en 2020 puis à 30 secondes en 2022. Les étapes sont donc encore nombreuses avant de pouvoir prétendre à une production continue —mais les physiciens observent cette progression et certains se demandent si ITER sera encore pertinent en 2035. Ces autres projets, comme le STEP britannique (Spherical Tokamak for Energy Production), misent sur des chambres de confinement plus petites, donc moins coûteuses.

Certes, ITER a aussi été frappé par des séries de malchances qui l’ont rendu avant tout célèbre pour ses retards (l’Agence Science-Presse en parlait ici en 2023, et ici en 2014 et ici en 2008). Les essais et erreurs pendant cette longue période ont été riches en informations, dont ont pu bénéficier ces autres projets. Mais le résultat est que s’il demeure le projet international de fusion nucléaire le plus gros, il n’est plus le plus avancé, d’un point de vue technologique et scientifique. Comme le suggère au New Scientist le directeur des communications d’ITER, Laban Coblentz, il pourrait demeurer ce qu’il a toujours été, un carrefour pour le « transfert des connaissances » vers les autres projets de fusion nucléaire. Mais avec la possibilité qu’il ne devienne que cela.

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