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Les chiffres autour de l’immigration occasionnent des tensions entre les gouvernements québécois et canadiens —et entre les partis politiques dans beaucoup d’autres pays ces dernières années. Pourtant, pour la population, ce qui importerait avant tout, c’est que les immigrants soient capables de s’intégrer économiquement.

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Au Québec, « nous pensions qu’il y aurait un écart plus fort entre les candidats d’origines algérienne et française. Nous nous sommes cependant rendus compte que la profession et la classe sociale influencent certains choix », soutient le professeur titulaire au Département de science politique de l’Université Concordia, Antoine Bilodeau, co-auteur d’une récente étude sur la question.

Même si les candidats français restent toujours les préférés des répondants, tout dépendant du profil qui leur est présenté, plus les candidats algériens occupent un emploi rémunérateur et prestigieux —technicien informatique ou homme d’affaires, plutôt que préposé à l’entretien – plus l’évaluation de leur candidature s’avère positive. Sans surprise, c’est encore plus fort chez les électeurs d’origine algérienne. 

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Dans un sondage mené auprès de 2400 Québécois de tous âges, nés au Canada et s’identifiant comme Blancs et francophones, les chercheurs demandaient aux participants d’évaluer un des six profils construits pour l’étude, comme s’ils étaient des agents d’immigration. On soumettait à chaque participant seulement un des six profils.

Les six profils étaient ceux d’un homme francophone fictif de 34 ans. Ils variaient selon la description de la profession (sans la nommer : agent d’entretien ménager, technicien informatique et homme d’affaires) et la provenance du candidat, de France ou d’Algérie.

Résultat, 95% des profils étaient acceptés par ces « agents d’immigration » improvisés. Un chiffre encourageant, mais des bémols apparaissent dans les questions que se font ensuite poser les participants. La capacité présumée à intégrer la société d’accueil, mais surtout la classe sociale, jouent beaucoup en faveur de ceux issus de France.

Au Canada et au Québec, l’immigration se base, depuis 1967, sur un système de points valorisant les compétences professionnelles des candidats ou encore la maîtrise des deux langues du pays (français/anglais). 

Celui qui nous ressemble

Cette étude montre donc que la perception positive ou négative qu’on a d'un candidat en fonction de sa provenance, pourrait être atténuée selon la classe sociale.

On peut le voir lorsque les participants sont interrogés sur la pression que l’immigrant pourrait faire peser sur le filet de sécurité sociale. « Les candidats algériens sont punis dans cette évaluation. Ils sont perçus comme un poids, mais pas les Français. C’est comme si on donnait le bénéfice du doute à ces derniers », relève  Antoine Bilodeau.

Ce serait, selon lui, le fruit d’un préjugé ou d’une forme de racisme subtil lié à la provenance du candidat. Alors que la langue et la religion ne figuraient pas dans le profil, les chercheurs pensaient que certaines professions seraient plus valorisées que d’autres – « et que l’employé d’entretien serait snobé, par exemple ».

Des résultats qui pourraient être identiques ailleurs au Canada. « Comme on discute plus des enjeux de la laïcité et du multiculturalisme ici, on a l’impression que les Québécois seraient plus intolérants qu’ailleurs. Ce n’est pas forcément vrai », note le chercheur.

Des résultats cohérents 

Ces résultats s'accordent avec les études existantes au Québec et ailleurs, « sur l’importance de l'origine nationale » dans la recherche d’emploi, commente la professeure agrégée au département de géographie de l’Université Laval, Adèle Garnier. « Par exemple, dans les études où on envoie des CV identiques avec des noms d'origines différentes, puis on regarde la probabilité que les candidats se voient offrir des entrevues ou pas », ajoute celle qui est aussi codirectrice de l’Équipe de recherche sur l’Immigration au Québec et ailleurs (ÉRIQA). Elle donne en exemple les travaux de Jean-Philippe Beauregard sur les employeurs de Québec.

« Donc, je dirais que plus la population de référence est différente des « de souche », comme à Montréal, plus il est possible qu’on observe des différences locales avec leurs résultats. Donc, moi, ça m'interpelle et ça résonne avec les débats politiques que l'on ne veut pas avoir au Québec sur le racisme systémique, par exemple », ajoute l’experte.

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