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Quel est le rapport entre Donald Trump et les créationnistes? Une stratégie appelée le mille-feuille argumentatif. 

Aux États-Unis, on désigne la stratégie sous le nom de « Gish Gallop » (littéralement, le galop de Gish). On doit cette expression à la directrice du Centre national pour l’enseignement des sciences, Eugenie Scott qui, en 1994, avait ainsi critiqué le créationniste Duane Gish: celui-ci, à l’époque, défiait les biologistes pour qu’ils viennent débattre avec lui de la légitimité de la théorie de l’évolution. Mais ses conférences consistaient en un tel bombardement de faussetés, de propos décousus et d’informations trompeuses, que l’audience en ressortait plus confuse qu’informée: comme il était impossible de vérifier tout ce qu’il disait, comme il était de surcroît impossible de démêler les demi-vérités et les affirmations invérifiables, Gish s’en sortait souvent en proclamant avoir « gagné » le débat.

Comme l’écrivait Eugenie Scott, il était de toutes façons clair pour les biologistes que le véritable objectif derrière un « galop de Gish » n’était pas de débattre, mais de discréditer le vis-à-vis, en donnant l’illusion qu’il n’avait pas su répondre aux « questions ». 

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Or, ce n’est pas la première fois que des experts en rhétorique font un parallèle entre ce mille-feuille argumentatif et les discours de Donald Trump. Dès février 2017, le magazine Quartz écrivait à quel point le « galop de Gish » avantageait le nouveau locataire de la Maison-Blanche: « les débats télévisés, les discussions à la radio et les émissions de donneurs d’opinions, sont l’habitat naturel du galop de Gish. Parce que les parleurs charismatiques peuvent rendre les faussetés divertissantes, tandis que les réfutations prudentes sont les choses les plus ennuyantes qui soient. » 

Dans la dernière édition du Scientific American, le rédacteur en chef du Bulletin de la Société d’écologie des États-Unis, Madhusudan Katti, revient sur ce parallèle, en soulignant qu’il ne sert à rien d’essayer d’argumenter avec quelqu’un qui utilise cette stratégie. Qu’il s’agisse d’un politicien populiste ou d’un créationniste, vaut mieux se contenter de pointer qu’il a menti et qu’il a été incohérent, puis passer à autre chose. 

C’est ainsi que fonctionne la science, rappelle-t-il. Un « débat scientifique », comme en réclament les créationnistes ou les climatosceptiques, ne se passe pas entre un adepte du mille-feuille argumentatif et un expert du domaine. « Ce qui pourrait être qualifié de « débat » en science, ça se passe dans les pages de journaux révisés par les pairs et ça peut s’étendre sur des années ou même des décennies. Vous ne pouvez pas vendre de billets pour un concours. La participation nécessite aussi de s’engager dans la littérature scientifique. » 

Mais en attendant, note Madhusudan Katti, certains de ceux qui, au sein du parti républicain, pilotent l’ordre du jour « antiscience et anti-intellectuel », proviennent bel et bien du mouvement créationniste. L’un d’eux, Christopher Rufo, est devenu populaire pour ses attaques contre les universités et contre la liberté académique, notamment en Floride. Son mille-feuille argumentatif ne se déploie pas juste dans des discours, mais dans des lettres publiées dans des journaux contre les cibles de l’heure de la droite conservatrice —qu'il s'agisse des transgenres ou des politiques d’inclusion en emploi. Et du coup, ces cibles deviennent, pour ce type d’auteur, une voie détournée pour faire entrer ses idées, qu'elles soient créationnistes ou antiscience, dans l’écosystème politique.

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