Déconfinement

Le fait qu’un pays relâche progressivement ses mesures de confinement ne signifie pas qu’il crie victoire sur le virus. Le Détecteur de rumeurs explique pourquoi tout ce qu’on a dit sur la fameuse « courbe » reste d’actualité et pourquoi, de quelque façon qu’on agisse, il y aura encore des morts.


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1.  Si la courbe des décès a commencé à redescendre depuis un certain temps, ça veut dire qu’on est « sorti du bois »? Non.

Atteindre le sommet de la courbe ne veut pas dire que la fin de l’épidémie est proche, mais que la moitié du chemin est faite : il peut y avoir autant de décès d’un « côté » de la courbe que de l’autre. La stratégie « d’aplatir la courbe » visait, rappelons-le, à ne pas surcharger le système de santé. Cet aplatissement a donc pour résultat d’étirer l’épidémie dans le temps. Mais le virus est toujours là, et puisque d’autres infections surviendront, les statistiques disent qu’un certain nombre se transformeront en hospitalisations, et un certain nombre de ces dernières, en décès.

Il subsiste toutefois des inconnues : les chaleurs de l’été ou le fait d’être moins souvent à l’intérieur pourraient-ils avoir un impact à la baisse sur la propagation du virus ? Le taux d’immunité actuel de la population — qu’on est pour l’instant incapable de mesurer — pourrait-il être suffisant pour ralentir la contagion ? C’est à suivre.

Enfin, il ne faut pas oublier qu’aussi basse que puisse être rendue la « courbe » d’un pays, cela n’empêche pas que des éclosions localisées géographiquement ou selon certains groupes d’appartenance — comme les travailleurs de la santé — peuvent continuer d’avoir lieu.

2. Si on avait attendu qu’il n’y ait plus aucun nouveau cas quotidien, on aurait empêché de nouveaux décès après le confinement? Non. 

Les autorités décident de déconfiner parce que le fait d’être trop longtemps enfermé chez soi pourrait mener à d’autres problèmes. « Le principe d’intervention en santé publique, c’est de peser le pour et le contre des mesures, pour que les bénéfices soient plus grands que les risques », explique Élyse Beaudoin-Caron, postdoctorante à l’École de santé publique de l’Université de Montréal. Au début de la pandémie, les bénéfices du confinement (sur le système de la santé, sur le nombre de vies sauvées) étaient beaucoup plus grands que les risques (sociaux, économiques, et en matière de santé mentale). Mais « au fur et à mesure qu’on avance dans le temps, on doit refaire le calcul et ajuster l’intervention », poursuit-elle.

Ainsi, un confinement jusqu’à l’extinction complète de l’épidémie ou jusqu’au développement d’un vaccin n’était pas envisageable, car cela aurait pu nécessiter plusieurs mois, voire quelques années. Quant à attendre jusqu’en septembre, ce n’était pas souhaitable non plus, car le nombre de vies sauvées n’aurait peut-être pas été si grand, par rapport aux effets délétères de l’isolement social. Sans oublier le risque que les gens soient de plus en plus délinquants, rendant difficile le dépistage.

3. Si nous gérons prudemment la sortie du confinement, il n’y aura pas de morts? Non.

Le paradoxe de la prévention est que plus cela fonctionne, plus la population reste vulnérable face à la maladie. Or, ici encore, si un certain nombre de personnes attrapent la COVID-19, il y aura inévitablement des décès. On peut par exemple regarder l’expérience de certains pays (comme la France, la Corée du Sud ou l’Allemagne), qui, aussi différentes que puissent être leurs mesures de confinement, ont vu le nombre de cas remonter lorsqu’ils ont assoupli ces mesures.

L’objectif de confiner et de déconfiner n’est pas d’empêcher tous les cas ni tous les décès, mais de les retarder le plus possible, d’abord pour ne pas engorger le système de santé, ensuite pour avoir le temps de développer de nouvelles approches thérapeutiques qui diminueront, on l’espère, les décès. En outre, même un confinement « prudent » aura des failles. « Le succès des interventions est entre les mains des citoyens, qui ne sont pas parfaits », rappelle Mme Beaudoin-Caron.

4. Un pays peut-il empêcher une épidémie de voyager? Non.

Tant que l’épidémie sévit ailleurs, il est utopique d’imaginer qu’un pays puisse l’éviter complètement, à moins de fermer toutes ses frontières. De plus, comme les derniers mois l’ont démontré, l’épidémie voyage à des rythmes différents suivant les continents et les pays. En comparaison, un virus comme Ebola est facile à repérer et à contrôler, compte tenu de ses symptômes et du fait qu’il se propage difficilement d’une personne à une autre. Mais un virus comme le SRAS-CoV-2, qui se propage facilement et dont un grand nombre de porteurs ne présentent pas de symptômes, est beaucoup plus difficile à suivre et à contrôler.

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