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Prendre des comprimés de vitamine D pour prévenir ou guérir la COVID-19 ? Même si le composé a fait l’objet de plusieurs annonces enthousiastes et de recherches sérieuses, le Détecteur de rumeurs rappelle qu’aucun résultat clair n’est encore disponible.


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L’origine de la rumeur

Finally Confirmed!, clame un message partagé plus de 10 000 fois sur Facebook et y ayant suscité 65 000 interactions. Le blogueur Chris Masterjohn s’enthousiasme ainsi des résultats d’une étude espagnole récemment publiée dans le Journal of Steroid Biochemistry and Molecular Biology.

L’étude en question existe : revue par les pairs, elle compare 76 patients traités pour la COVID-19 avec une combinaison d’hydroxychloroquine et d’azithromycine. Cinquante d’entre eux ont reçu, en plus, du calcifédiol, l’hormone produite dans le foie par la vitamine D. On ne parle donc pas ici des suppléments de vitamine D3 disponibles en vente libre. Les patients ayant reçu le calcifédiol ont évité en majorité les soins intensifs (49 sur 50, contre 13 sur 26 pour les autres).

Les bémols

Mais contrairement à ce que prétend le blogueur — qui est nutritionniste et qui vend des vitamines et des produits naturels sur son site — l’étude ne règle pas la question « une fois pour toutes ». Car elle reste très préliminaire, de l’avis même de ses auteurs, qui écrivent que des études plus larges devront être menées. Les raisons pour cela sont nombreuses, ont réagi les experts : un très petit échantillon (seulement 76 personnes), un taux de vitamine D au départ inconnu, un degré de sévérité de la maladie non précisé. Le processus souffrait aussi d’une randomisation imparfaite : les patients qui n’ont pas reçu de calcifédiol étaient plus à risque que les patients qui en ont reçu.

Une rumeur persistante

Ce n’est pas la première fois que la vitamine D soulève l’enthousiasme. Depuis février, des sites de vérification de faits et d’autres médias ont rappelé qu’il n’y a encore aucune preuve que la vitamine D puisse prévenir la COVID-19. En juillet, un article circulant sur les réseaux sociaux présentait les données d’une étude supposément allemande liant bas niveaux de vitamine D et mortalité par la COVID-19. Or, cette étude, qui avait plutôt été menée par des chercheurs indonésiens, n’établissait pas de lien causal entre ces deux choses, puisqu’elle ne prenait pas en considération d’autres facteurs de risque — autrement dit, elle comparait deux groupes de patients dont le niveau de vitamine D n’était pas la seule chose qui les différenciait. Depuis, la prépublication a été retirée de la plateforme par ses auteurs.

Le rôle de la vitamine D

Des scientifiques s’intéressent toutefois bel et bien à la vitamine D, parce qu’on sait qu’elle joue un rôle important dans la régulation du système immunitaire. Plusieurs études cliniques sont en cours. En théorie, la vitamine D pourrait atténuer la tempête inflammatoire que cause fréquemment l’infection au coronavirus, chez les cas les plus graves.

Quelques études épidémiologiques ont par ailleurs relevé qu’une partie importante des patients atteints par la COVID-19 avaient un faible taux de vitamine D, mais sans pour autant démontrer de lien causal entre ces deux choses. Dans une étude publiée le 3 septembre, deux chercheurs américains concèdent que les carences en vitamine D sont associées avec d’autres facteurs de risque : âge, obésité, diabète, maladies chroniques. Une mauvaise alimentation, un style de vie sédentaire ou le tabagisme, entraînent un faible taux de vitamine D.

Une étude allemande parue en août a pour sa part fait le lien entre la carence en vitamine et l’existence de conditions préexistantes qui peuvent augmenter le risque de complications chez le malade atteint de la COVID. Mais les résultats des études cliniques se font attendre et les auteurs rappellent que plusieurs effets de la vitamine D sur le système immunitaire se produisent en combinaison avec la vitamine A —qui, elle, n’a pas été étudiée en lien avec la COVID.

Ceci dit, il demeure important d’avoir un taux équilibré de vitamine D. Les carences sont courantes dans les pays industrialisés, et le confinement pourrait avoir accentué ce problème. Une façon facile d’y remédier est de s’exposer au soleil une quinzaine de minutes (sans écran solaire), quelques fois par semaine (avant de prendre des suppléments, vaut mieux consulter son médecin, parce qu’une trop grande quantité de vitamine D peut être toxique). Un rapport dans le BMJ Nutrition, Prevention and Health soulignait en juin l’importance de considérer son apport de vitamine D dans le cadre d’un style de vie sain, plutôt que comme une « formule magique » contre la COVID-19.

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