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La première annonce a fait le tour du monde le 9 novembre: un des 200 vaccins actuellement testés contre le virus responsable de la COVID-19 serait « efficace à 90% ». Le 16 novembre, arrive une nouvelle similaire sur un deuxième vaccin. Deux nouvelles encourageantes, mais qui ne signifient pas qu’on est près de la ligne d’arrivée. Le Détecteur de rumeurs isole sept choses qui restent à déterminer.

-Ce texte a été remis à jour le 16 novembre avec l'annonce d'un second vaccin. 


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CE QUE L'ON SAIT

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En tout, depuis la fin-juillet, 43 538 personnes ont été enrôlées dans l'étude en double aveugle menée par les compagnies Pfizer et BioNTech, et plus de 30 000 dans celle menée par la compagnie Moderna —« en double aveugle » signifie que la moitié ont reçu le vaccin et l’autre moitié, un placebo. Dans chaque étude, chaque participant a eu deux injections, à trois semaines d’intervalle dans le cas de l’étude Pfizer. Ces personnes ont été invitées à poursuivre leurs activités normales, s’exposant ainsi potentiellement au virus, et ont été testées régulièrement. En date du 8 novembre, 94 participants de l’étude Pfizer avaient été diagnostiqués positifs au coronavirus et en date du 10 novembre, 95 de l’étude Moderna. L’annonce de Pfizer précise que le vaccin est « efficace à 90% », ce qui pourrait vouloir dire que 90% des patients contaminés étaient dans le groupe placebo —et à l'inverse, que seulement 9 des 94 patients contaminés se retrouvaient parmi ceux qui avaient reçu le vrai vaccin. Moderna est sans ambiguïté sur ce point: 90 des 95 patients qui ont eu le virus étaient parmi ceux qui avaient reçu le placebo (soit 95%).

Si ce degré d’efficacité se confirmait, ce serait un résultat exceptionnel: même l’agence américaine chargée d’approuver les médicaments (la FDA) avait fixé la barre à 50%.

Il s’agit d’une étude clinique de phase 3. Lisez notre article
sur les différentes étapes d’une étude sur un vaccin

Qu’est-ce qu’un vaccin et comment agit-il ? Lisez ici notre article.

CE QUE L'ON NE SAIT PAS

1) On n’a pas encore d’étude

Autant Moderna (États-Unis) le 16 novembre que Pfizer (États-Unis) et BioNTech (Allemagne) le 9 novembre, ont fait leurs annonces sur la base de résultats « préliminaires » (leurs études sont toujours en cours). Sauf que ces annonces ne sont accompagnées que d’un communiqué de presse pour chacune, c’est-à-dire un document qui donne peu de détails: il n’y a ni étude ni données scientifiques que d’autres experts du domaine pourraient éplucher et analyser. Le communiqué de Pfizer dit uniquement, sans donner de date, que les deux partenaires « prévoient soumettre les données de l’ensemble du test de phase 3 pour publication révisée par les pairs ».

2) Symptômes bénins ou graves?

Avec Pfizer, on ignore tout de l’état de santé de ces 94 personnes: combien ont développé des symptômes bénins, combien des symptômes graves? Si la question est importante, c’est parce que la médecine comprend encore mal, même après 10 mois de pandémie, les mécanismes qui font que certaines personnes, et pas d’autres, développeront des symptômes graves. L’une des craintes est qu’un vaccin agisse uniquement sur les infections bénignes, soit celles qui n’auraient pas nécessité d’hospitalisation. Moderna indique que 11 des cas sont « sévères », tous dans la catégorie des patients qui ont reçu le placebo.

La FDA avait fixé comme critère, avant d’aller plus loin, qu’au moins cinq des « cobayes » du groupe placebo aient développé des symptômes graves, afin qu’on ait une base de comparaison statistique avec le groupe « vaccin ». 

Pourquoi un vaccin est-il aussi complexe à produire?
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3) Les gens âgés?

Le taux d’efficacité d’un vaccin  est souvent moins élevé chez les personnes âgées. Le communiqué de Pfizer ne dit rien de la distribution de ces 94 cas par tranche d’âge, celui de Moderna précise que 15 des 95 cas étaient âgés de plus de 65 ans. Toutes deux assurent avoir formé des cohortes représentatives de la population. Mais même ainsi, il est possible qu’il faille attendre des semaines avant d’avoir une idée juste de l’efficacité du vaccin par tranches d’âge ou par groupes ethniques.

4) Les enfants ?

Une incertitude similaire tourne autour des enfants. On sait qu’ils peuvent attraper le virus, bien que les cas graves soient rarissimes. Dans un premier temps, l’essai clinique de Pfizer et BioNTech avait exclu les moins de 18 ans, puis avait ajouté les 16-18 ans en septembre. Celui de Moderna n’a été testé que sur des 18 ans et plus.

5) Combien de temps faudra-t-il attendre avant de savoir?

En vertu des critères de la FDA et de l’OMS, les études doivent se poursuivre jusqu’au seuil de 164 infections. En théorie donc, à ce moment, le total de 90% ou de 95% pourrait avoir diminué, mais il est mathématiquement improbable qu’il descende en-dessous de 50%. Sachant que l’étude Pfizer a commencé le 27 juillet et a obtenu 94 cas en à peu près trois mois, on peut imaginer qu’elle atteigne le seuil des 164 avant Noël. Paradoxalement, le fait que l’épidémie soit en ce moment en croissance rapide aux États-Unis, pourrait contribuer à atteindre plus vite ce seuil.

Une fois cela fait, le dossier est entre les mains de la FDA, qui doit décider si elle en autorise ou non la distribution aux États-Unis. Le Forum économique mondial a déjà évalué que le processus d’approbation d’un vaccin prenait habituellement deux ans. Personne ne s’attend à ce qu’il soit très long cette fois, si les résultats restent encourageants.

6) Et si c’est approuvé, combien de temps pour la distribution?

La suite dépend de facteurs qui peuvent varier d’un pays à l’autre. Dans son communiqué, Pfizer affirme être capable de produire jusqu’à 1,3 milliard de doses en 2021. Moderna évoque « 500 millions à 1 milliard de doses ». Le magazine The New Scientist évalue qu’il faudra ultimement 14 milliards de doses pour vacciner la population mondiale, en tenant compte des pertes lors des transports et du fait que chaque personne devrait recevoir deux doses.

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sur la production et la distribution d’un vaccin à grande échelle

7) Deux inconnues supplémentaires

Le fait que tous les deux soient des « vaccins à ARN » signifie qu’ils sont plus fragiles et nécessiteront davantage de précautions pour le transport: on évoque des températures de moins 70 degrés Celsius pour conserver celui de Pfizer. Il n’est pas clair si cela risque d’augmenter le taux de pertes. Par contre, Moderna a tenu à souligner à plusieurs médias —ce détail ne figure pas dans son communiqué— qu’une température de 2 à 8 degrés —soit l’équivalent d’un frigo normal— pourrait suffire pour la conservation du vaccin « jusqu’à 30 jours ».

Par ailleurs, le fait qu’il faille deux doses complique les calculs: la logistique est plus ardue avec deux doses et certaines personnes peuvent oublier la deuxième injection.

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