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Une étude sur les masques aurait démontré que ceux-ci sont non seulement inefficaces, mais qu’ils augmentent le nombre d’infections, selon ce qu’on a pu lire et entendre la semaine dernière sur les réseaux sociaux. Le Détecteur de rumeurs s’est demandé si l’étude avait bel et bien dit cela.


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L’origine de la rumeur

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Plusieurs commentateurs conservateurs, de même que des internautes associés aux mouvements antimasques, et même des élus, ont utilisé depuis le 18 novembre l’étude, publiée dans Annals of Internal Medecine, pour appuyer leur opinion sur l’inefficacité du masque dans la lutte contre le coronavirus, voire sa nocivité. En France, le Youtubeur Silvano Trotta, habitué des complots et fausses nouvelles, écrivait sur Twitter : « Mes amis, voici enfin l’étude danoise sur les masques qu’aucune revue ne voulait publier ! Elle porte sur 6000 personnes, 3000 avec masque, 3000 sans. Aucune différence sur le COVID mais augmentation des infections dans le groupe… masques ! »

Le chercheur principal de l’étude, Henning Bundgaard, a réagi dans le Washington Post, en soulignant que ces affirmations constituaient une interprétation erronée de leur travail.

Son équipe a suivi, en avril et mai 2020, 4862 volontaires répartis en deux groupes : 2392 portaient un masque et 2470 n’en portaient pas. Au bout d’un mois, test antigénique, PCR (tests d’amplification d’acide nucléique) ou diagnostic hospitalier, déterminaient si les participants étaient ou avaient été infectés par le SARS-CoV-2.

Pas de hausse des infections

Tout d’abord, contrairement aux allégations, ce n’est pas dans le groupe « masque » que les infections sont plus nombreuses, mais dans le groupe « sans masque » : 2,1 % de ces derniers (53 sur 2470) ont contracté la COVID-19, contre 1,8 % des personnes masquées (42 sur 2393). La différence est minime, c’est-à-dire qu’elle n’est pas statistiquement significative, mais elle contredit tout de même une des affirmations faites au sujet de cette étude.

Objectif tronqué

Plus important est le fait que les données ont été recueillies alors que le Danemark était au plus fort de son confinement, avec des mesures de distanciation sociale respectées et un faible taux de reproduction du virus. Ce contexte explique pourquoi le taux d’infection est faible pour les deux groupes.

C’est là un des oublis de ceux qui ont brandi l’étude : celle-ci n’évalue pas l’efficacité du masque dans l’absolu, mais en conjonction avec les mesures alors en cours au Danemark — confinement, distanciation sociale, etc.

De plus, les objectifs définis par les auteurs étaient d’évaluer si « l’usage du masque chirurgical à l’extérieur du domicile » réduisait le risque d’infection de la personne qui le portait — alors que c’est plutôt le risque d’infection dans les lieux intérieurs qui est pointé du doigt depuis plusieurs mois.

Quant aux auteurs, ils ajoutent, dans la partie consacrée aux « limites » de l’étude, qu’il ne s’agit pas d’une évaluation de l’efficacité des masques pour empêcher la propagation du virus aux autres —alors que c’est pourtant, depuis le printemps dernier, la principale raison évoquée par les autorités de santé publique pour recommander le port du masque.

Des limites méthodologiques

Peut-on néanmoins dire que l’étude démontre que le masque ne protège pas de manière statistiquement significative ? Ce n’est pas la conclusion qu’en tire l’ancien directeur des Centers for Disease Control and Prevention (CDC), Tom Frieden, qui signe un éditorial dans la même édition des Annals of Internal Medecine.

Il insiste lui aussi sur les limites méthodologiques de l’étude: la faible proportion de personnes infectées (42 dans un groupe, 53 dans l’autre) et le fait que l’étude ait été effectuée dans une période de « faible transmission ». D’autres observateurs ont également signalé le manque de suivi des participants, ou bien le fait que ceux-ci n’ont pas tous porté le masque correctement : 46 % ont dit l’avoir toujours porté comme recommandé, et 47 % « principalement » comme recommandé. Les auteurs reconnaissent également ces limites.

Henning Bundgaard est pour sa part très clair : « nous pensons que vous devriez porter un masque facial au moins pour vous protéger, mais vous devriez également l'utiliser pour protéger les autres », a-t-il déclaré au Washington Post.

Crédits photographiques : Nickolay Romensky / Flickr

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