
En avril dernier, le ministre de la Santé des États- Unis, Robert F. Kennedy Jr, annonçait qu’en septembre, il dévoilerait les causes de l’autisme. On connaît à présent les activistes antivaccins qu’il a embauchés pour « prouver » l’existence d’un lien avec les vaccins, et leur méthode de travail commence à se dégager d’une analyse de leurs écrits.
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David Geier et son père Mark sont en effet connus pour leurs articles proclamant l’existence d’un lien entre vaccination et autisme. Or, dans ces études, ils ont pris l’habitude de citer des « études »… qui sont leurs propres textes.
Le détail n’est pas banal parce que, contrairement à ce qu’affirme RFK, beaucoup de chercheurs ont tenté, depuis 30 ans, de trouver un lien entre vaccination et autisme. Et dans la grande majorité des cas, ils ont pu démontrer qu’il n’existait pas de lien.
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Par exemple, selon une compilation publiée dans le New York Times plus tôt ce mois-ci, depuis 1998 —année de publication de l’article du Britannique Andrew Wakefield qui prétendait avoir trouvé un tel lien— 69 études ont été publiées sur ce sujet.
- De ce nombre, 43 n’ont trouvé aucun lien
- 26 ont affirmé en avoir trouvé un, sauf que les deux tiers (18) proviennent de David et Mark Geier. Toutes souffrent des mêmes lacunes : données trompeuses et méthodologies fautives.
- Quant aux 8 autres qui ont prétendu avoir trouvé un lien, 4 ont depuis été rétractées pour avoir manipulé leurs données ou dissimulé leurs conflits d’intérêt. Une autre, citée par RFK pendant son audience de nomination devant les sénateurs, a été publiée sur un blogue et signée par une personne se disant affiliée à un institut qui n’existe pas.
Les 43 études qui n’ont trouvé aucun lien sont dites de haute qualité: elles s’appuient sur un total de 5,6 millions de personnes dans 7 pays, elles ont toutes été révisées par d’autres experts et s’appuient sur des méthodologies rigoureuses.
Un autre détail ressort aussi des études de David et Mark Geier: le thimérosal. À l’origine, ce composé contenant du mercure, qui servait d’agent de conservation dans les vaccins, avait été une cible fréquente des opposants aux vaccins. Il a été largement retiré il y a presque trois décennies, ce qui n’a pas empêché les Geier de continuer d’écrire à son sujet.
Par exemple, dans une étude parue en 2017, ils prétendaient démontrer un risque plus élevé d’autisme chez les enfants qui, selon le titre de leur étude, avaient reçu « les vaccins contre l’hépatite B contenant du thimérosal ». La chercheuse en santé publique Jessica Steier identifiait plus tôt ce mois-ci quatre problèmes derrière ce texte de 2017 :
- En dépit de ce qu’annonce le titre, l’étude ne portait que sur les « diagnostics d’autisme atypique », un diagnostic qui n’est attribué qu’aux gens dont les symptômes ne correspondent pas pleinement à la définition d’autisme.
- Les autistes « atypiques » pris en compte sont nés entre 1991 et 1998, mais les enfants du groupe contrôle sont nés en 1991 ou 1992. Or, la définition des symptômes de l’autisme a été élargie aux États-Unis en 1994, ce qui veut dire que le nombre de cas a augmenté pendant la période couverte, mais uniquement dans le premier groupe (ceux qui ont reçu le vaccin), ce qui crée l’illusion d’un écart entre les deux groupes.
- Les Geier citent en 2017 une étude de 2014 qui aurait suggéré que le mercure est une cause de l’autisme. Mais cette étude portait sur les poissons exposés au mercure.
- Les Geier ne tiennent pas compte de ce que la recherche médicale appelle les « facteurs confondants », c’est-à-dire les autres causes qui pourraient jouer un rôle. Par exemple, les enfants qui voient plus souvent un médecin sont plus susceptibles d’avoir été vaccinés et d’avoir eu un suivi médical capable de repérer un changement dans leur comportement.
David et Mark Geier citent des études pour appuyer leur décision d’avoir ignoré les facteurs confondants : ce sont toutes des études signées par David et Mark Geier.
Ils récidivent lorsqu’ils justifient leur décision de ne pas avoir tenu compte des dizaines d’études de haute qualité publiées depuis 1998: ils allèguent que celles-ci ont fait l’objet de sévères critiques. Or, toutes les critiques qu’ils citent ont été écrites… par David et Mark Geier.