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Je continue cette semaine la publication du « journal de bord » de mon livre en y publiant certains encadrés qui n’ont pu, faute d’espace, trouver leur place dans le bouquin. Celui-ci entretenant déjà des rapports étroits avec le site web Le cerveau à tous les niveaux et son blogue grâce à différents renvois, cette conversion ne fait donc qu’étendre une approche déjà présente depuis le début du projet. Je publie donc aujourd’hui un premier encadré ainsi retiré du chapitre 11. Il propose quelques réflexions sur une famille d’hypothèses qui suggère que des phénomènes quantiques seraient directement impliqués dans le fonctionnement du cerveau et en particulier dans l’émergence de la conscience. Un sujet que j’avais déjà abordé dans mon site, de même que les principes de base de la physique quantique qui permettent de les comprendre et les nombreuses critiques dont ces théories ont été l’objet.

Notons d’abord que plusieurs de ces théories quantiques sur la conscience ont été formulées il y a plusieurs décennies, alors que nos connaissances en neurosciences étaient encore embryonnaires. Mais les choses ont bien changé depuis, comme j’ai essayé de le montrer dans ce billet en effleurant à peine toutes les théories neurobiologiques de la conscience qui s’appuient maintenant sur de nombreuses données expérimentales. Et qui, d’une certaine façon, appliquent le principe de simplicité, d’économie ou de parcimonie, le fameux rasoir d’Ockam, qui veut qu’on privilégie d’abord les hypothèses suffisantes les plus simples. Une heuristique fondamentale en science, sans évidemment vouloir dire que l’hypothèse qui semble la plus évidente est forcément la bonne.

J’ai aussi souvent insisté sur l’émergence de nouvelles propriétés qui survient à de multiples niveaux d’organisation dans le vivant. Avec pour résultat que les analogies les plus intéressantes entre pensées conscientes et activité cérébrale se font souvent aux niveaux supérieurs de l’activité dynamique globale de nos réseaux cérébraux, et non au niveau de l’influx nerveux le long d’un axone, de l’ouverture de canal ionique, et encore moins, j’en ai bien peur, au niveau d’états quantiques superposés ou de l’effondrement de la fonction d’onde.

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Il est vrai que la théorie de la décohérence quantique permet de comprendre de manière satisfaisante le passage du niveau des phénomènes quantiques à la physique classique qu’on expérimente quotidiennement et qui préside à tous les phénomènes neuronaux. Mais à ce compte-là, on pourrait bien sûr dire que « tout est quantique », y compris la conscience, mais d’une façon tellement triviale qu’on pourrait alors tout aussi bien qualifier une roche ou une molécule d’eau de « quantique ».

Le pouvoir explicatif de la décohérence quantique pourrait-il quand même avoir des répercussions particulières au niveau moléculaire ou biologique sus-jacent comme certains le pensent ? Cela demeure très spéculatif et les expériences envisagées pour le démontrer sont d’un niveau de difficulté technique incommensurable.

Car le mot « quantique » ne désigne au fond que la nature discontinue des phénomènes de l’infiniment petit, propriété qui n’a plus cours au niveau de la physique classique qui sous-tend les phénomènes chimiques et biologiques dont les propriétés pourraient très bien, à elles seules, produire l’émergence de nos processus conscients.

Ensuite on peut toujours, si ça nous amuse ou nous fascine, faire encore de la métaphysique au sens premier du terme, c’est-à-dire chercher des choses comme un ordre implicite qui existerait au-delà de la physique connue à ce jour. Mais pour paraphraser Laplace sur le thème de la conscience cette fois, j’ai le sentiment qu’on pourrait remplacer Dieu par tout ce qu’on qualifie de « quantique » et redire avec lui qu’on n’a pas nécessairement besoin de ces hypothèses pour formuler des modèles explicatifs scientifiquement cohérents de la chose.

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