
Dans une étude publiée en début d'année, des chercheurs ont découvert que des cellules tumorales pouvaient transférer des mitochondries défectueuses dans des lymphocytes T qui infiltrent la tumeur. Ayant commencé par séquencer l'ADN mitochondrial de lymphocytes T spécifiques de la tumeur, ils ont découvert qu'une proportion de ceux-ci présentaient des mutations dans leur ADN correspondant à celles des tumeurs dont ils étaient isolés. Par une technique de coloration, l'équipe a pu mettre ensuite en évidence que les cellules cancéreuses étaient capables de transférer leurs mitochondries mutées aux lymphocytes T, directement par des mécanismes de contact, et indirectement via des vésicules extracellulaires.
Il y a quelques années, on avait découvert que des cellules cancéreuses peuvent s'accaparer les mitochondries des cellules immunitaires via des tubulures. Le transfert de mitochondries des cellules immunitaires aux cellules cancéreuses, par ces nanotubes, renforce métaboliquement ces dernières et épuise les cellules immunitaires. Ces découvertes constituent une étape cruciale dans la recherche d'immunothérapies de nouvelle génération contre le cancer.
D'où viennent les cellules immunitaires ?
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Les cellules immunitaires hébergent, elles aussi, des mitochondries pour leur fournir l'énergie dont elles ont besoin. Ces cellules ont besoin de se déplacer pour accomplir leur travail de défense contre les intrus microbiens et autres cellules cancéreuses de l'organisme. Leur déplacement doit donc s'effectuer un peu partout dans le corps. Découvrir que les lymphocytes T, par exemple, cèdent certaines de leurs mitochondries à d'autres cellules dans certains cas pourrait nous suggérer une fonction moins spécialisée à l'origine de leur apparition, à savoir transporter simplement de l'énergie d'un endroit à un autre de l'organisme de façon à en faire bénéficier les cellules qui en ont besoin. Ce qui implique qu'elles devaient pouvoir communiquer avec ces entités cellulaires qui allaient devenir plus tard le support de l'immunité, à tout le moins dans un stade évolutif plus avancé, car on peut imaginer qu'une cellule doit pouvoir indiquer à une autre qu'elle a besoin d'énergie. On peut ainsi dès lors penser que cet ancien processus aurait été détourné et mis à profit pour les cellules tumorales de sorte que les mitochondries des lymphocytes T leur soient transférées pour alimenter leur reproduction.
Le vieillissement des organismes implique-t-il les mitochondries ?
Par ailleurs, la récente découverte, mentionnée ici en début d'article, nous conduit à nous demander si des mutations de l'ADN mitochondrial ne s'accumuleraient pas à mesure qu'un organisme vieillit et si, ce faisant, cette accumulation, rendant ces organites moins performants, ne serait pas l'une des causes du vieillissement via le ralentissement du métabolisme cellulaire. On peut penser de la même façon que si cette accumulation de mutations se produit, les cellules auraient pour tâche de les corriger et que ce travail surviendrait en majeure partie lors de périodes de repos. Le sommeil pourrait donc être dédié, entre autres, à rétablir l'ADN pleinement fonctionnel non seulement chromosomique, mais aussi mitochondrial. Cette fonctionnalité amoindrie des usines énergétiques des cellules pourrait en fait rendre compte des résultats d'une étude de 2011 que j'avais rapportés dans deux articles, dont celui sur le transfert des mitochondries. Le fait que le cerveau disposerait de moins d'énergie vers la fin d'une journée de travail pourrait alors être lié au fait que ce seraient les mitochondries qui verraient leur performance diminuer. D'autres travaux seront sans doute nécessaires pour détailler les cascades d'évènements moléculaires qui impliquent la production de radicaux libres et l'accumulation de mutations de l'ADN.