Mitochondries en microscopie électronique

Depuis quelques années des équipes procèdent à un transfert de mitochondries, ces organites qui sont les centrales énergétiques des cellules, dans le but de corriger des dysfonctionnements d'organes à l'origine de maladies.

C'est en 2018 que des chercheurs de l'hôpital pour enfants de Boston ont annoncé avoir sauvé des nouveau-nés ayant subi une crise cardiaque avant la naissance en injectant des mitochondries dans les cellules du cœur de ces nourrissons de façon à compenser un déséquilibre énergétique entre les cellules de cet organe et celle de l'ensemble de leur organisme.

L'idée a été reprise depuis avec diverses techniques pour l'appliquer à différentes pathologies que ce soit par exemple dans le traitement de la dystrophie de Fuchs, maladie des yeux dans laquelle la cornée s'opacifie conduisant à une perte de vision, ou encore pour limiter la mort de cellules cérébrales suite à une privation d'oxygène. J'y reviendrai.

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Avant tout, il faut savoir que le transfert de mitochondries d'une cellule à une autre est un processus qui existe de façon naturelle :  des cellules environnantes aident leurs consœurs à survivre ou à se rétablir en leur fournissant un apport énergétique et possiblement aussi des molécules nécessaires à leur réparation.

Au moins quatre voies de transfert de mitochondries entre cellules ont pu être identifiées : 1 -  par encapsulation, 2 -  par la formation de tubulures, 3 - directement d'une cellule à une autre via un dendrite, 4 -  ou extrudées d'une cellule et transmise à la cellule cible sans aucun transporteur.

Ce constat et ces avancées nous conduisent à plusieurs réflexions sur lesquelles il vaut la peine de s'arrêter quelques instants.

Une implication dans les gradients morphogénétiques ?... 

L'existence des gradients morphogénétiques repose sur l'observation en embryologie que la partie avant de l'embryon se développe plus vite que la partie arrière. On peut postuler que cette partie avant qui donne naissance aux structures cérébrales nécessite une plus grande dépense énergétique pour se développer plus rapidement. Se pourrait-il dans ce cas qu'un transfert de mitochondries se produise selon un axe antéro-postérieur pour augmenter cette concentration mitochondriale vers la partie avant et la diminuer pour la partie arrière ?

… Et une autre pour le fonctionnement cérébral chez l'humain ?

Dans un article précédent, je postulais un transfert d'énergie possible entre différentes régions du cerveau humain : 

« Une étude publiée en 2011 m'avait intrigué quand j'en ai eu pris connaissance. L'étude portait sur les décisions judiciaires prises dans des tribunaux israéliens. [9] Les auteurs avaient découvert que le pourcentage de décisions favorables aux accusés était maximal au début de chacune des 3 séances dans le courant de la journée. Au début de chacune de ces 3 sessions, les jugent avaient pris l'habitude d'avoir suffisamment mangé. Plus chacune de ces périodes avançait et plus le pourcentage de décisions favorables diminuait drastiquement. Ce qui est déjà en soi une révélation. Selon cette étude, il semblerait donc que les décisions des juges subissaient une certaine influence... de l'apport du taux de glucose à leur cerveau compte tenu de l'importance de leurs pauses alimentaires. Pourtant, en regardant le graphique de la figure 1 de l'article, quelque chose m'intriguait : si ce pourcentage avait été corrélé uniquement à la réserve énergétique globale du cerveau, on aurait été en droit de s'attendre à des courbes descendantes plus ou moins continues à l'intérieur de chaque session. Ce n'est pas ce qu'on observe. Chaque session est marquée par une courbe descendante en dents de scie et, chose intéressante, les pics de ces dents de scie sont bien présents lors de la 1ère session, moins durant la 2e et presque absents durant la 3e. Comment expliquer ces caractéristiques? Au départ, il semble clair que ces trois courbes sont caractérisées par un apport énergétique qui diminue au fil du temps. Les pics des courbes proviendraient-ils donc d'un apport énergétique quelconque et si oui d'où proviendrait cette énergie? Sans doute d'une ou de plusieurs réserves pourrait-on se dire. Où seraient-elles situées? La réponse que j'entrevois est : dans le cerveau lui-même. Le fait est que quand le cerveau accomplit des tâches, il ne mobilise jamais la totalité de ces circuits neuronaux. D'autre part, on pourrait concevoir que chacun de ces circuits neuronaux dispose d'une réserve d'énergie (1). Si plusieurs de ces circuits se trouvent être sous-utilisés pendant un certain temps, ne pourraient-ils pas alors disposer d'un surplus d'énergie disponible dans ce cas pour d'autres circuits neuronaux? À condition bien sûr que ce surplus d'énergie puisse être transféré d'un endroit à un autre du cerveau.

Reprenons alors l'expérience citée ici à partir de ce raisonnement. Au début de la journée, les réserves d'énergie du cerveau des juges sont maximales. Elles commencent à diminuer, avec leur journée de travail, dans certaines zones de leur cerveau et plus particulièrement l'une d'elles nécessaire au jugement et à la prise de décision, le cortex préfrontal. Ce dernier étant alors beaucoup plus actif que bien d'autres structures cérébrales, leurs réserves d'énergie diminuent plus rapidement. Comme les autres structures étant beaucoup moins impliquées le restent pour toute la durée des sessions au tribunal, elles sont disposées à céder une partie de leur réserve énergétique à cette partie du cortex qui est beaucoup plus sollicitée. C'est ce qui fait apparaître le premier pic avec regain d'énergie à l'intérieur de la 1ère session. Cet apport d'énergie ayant été utilisé à son tour, un nouvel apport, cette fois d'une autre structure cérébrale, vient en renfort et constitue un 2e pic, mais chaque fois ces pics sont moins élevés, car l'apport énergétique serait plus faible jusqu'à un apport d'énergie fournie par l'ingestion de nourriture au repas. Lequel serait insuffisant pour rétablir le niveau des réserves énergétiques du début de la journée ce qui traduirait le fait que les réserves énergétiques globales du cerveau diminueraient au fil de la journée. C'est ce qui expliquerait du même coup la quasi-absence de pics à la dernière session de travail des juges. Et comment se manifesterait ce transfert d'énergie? Par cette activité électrique synchronisée des neurones. Quelle que soit leur fréquence, nous pouvons imaginer que ces bouffées d'ondes alpha, delta, thêta ou bêta aient pour fonction de transférer de l'énergie d'une structure à une autre du cerveau. Dès lors, du moment que ce transport d'énergie transiterait par des structures occupées à coder des informations, on peut imaginer qu'il constituerait un bruit de codage...»

J'étais amené à supposer que ce transfert se réalise par l'influx nerveux. Compte tenu de ce que nous savons sur l'échange mitochondrial, on est en droit de se demander si ce transfert énergétique ne se réaliserait pas par celui de mitochondries via les dendrites. À moins que ces deux types de phénomènes se retrouvent impliqués ici. Dans un article plus récent, j'ai mentionné la possibilité de ce transfert d'énergie chez les champignons.  Serait-il possible que leur mycélium puisse permettre le transport de mitochondries issues des plantes avec lesquelles ils interagissent?  Dans ce cas, le phénomène serait encore plus intéressant à considérer puisqu'il impliquerait l'utilisation de ces organites par des espèces distinctes. Ces derniers transiteraient des plantes aux champignons pour être utilisés par ceux-ci. 

Un outil de plus  dans l'arsenal de la médecine

Mais l'aspect le plus intéressant concernant les mitochondries pourrait être leur utilisation à l'avant-garde de certains traitements médicaux. Plusieurs résultats encourageants chez l'animal ont été obtenus pour des thérapies cardiaques, cérébrales et pulmonaires.  Dans une étude publiée en 2023, la chercheuse Melanie Walker, travaillant avec des souris ayant été privées d'oxygène, a montré que l'injection de mitochondries dans leurs artères augmentait la survie de leurs cellules cérébrales. Parallèlement dans un autre domaine de recherche, une équipe de l'Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill a traité des nouveau-nés ayant souffert d'un manque d'oxygène à la naissance en leur administrant du sildénafil, mieux connu sous le nom de Viagra.  Dans l'ensemble, les bébés traités de cette façon présentaient moins de dommages au cerveau que ceux du groupe contrôle ayant reçu un placebo. Des études sur les rats avaient montré au préalable que cette molécule favorise la survie des neurones, stimule leur régénération, leur maturation et les connexions entre eux.

En prenant connaissance de ces résultats, on ne peut s'empêcher de se demander si le sildénafil pourrait agir en favorisant le transfert de mitochondries entre les cellules. De même, une enzyme produite naturellement par l'organisme pourrait-elle favoriser le transfert intercellulaire de mitochondries et limiter les séquelles d'un AVC ?  Partant de la configuration moléculaire du sildénafil, il serait possible d'identifier plus rapidement cette enzyme si elle existe. 

Pour terminer ce rapide tour d'horizon, on peut aussi considérer le transfert mitochondrial sous l'angle de la neuroplasticité et de ses bienfaits potentiels. Entre autres, certains chercheurs suspectent un lien entre la perte de l'audition et le déclin cognitif. L'une des explications avancées serait que la surcharge de travail du cerveau pour parvenir à bien comprendre son entourage se ferait aux dépens de la mémoire, ce qui pourrait se concevoir si un grand nombre de mitochondries se déplacent vers des cellules des régions qui traitent les informations sonores en quittant celle de l'hippocampe. À l'inverse, parvenir à inverser ce flux énergétique pourrait éventuellement favoriser le maintien des capacités cognitives en lien avec la mémoire. Ce processus s'accorderait avec les résultats obtenus par une équipe de l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal avec le programme MÉMO basé sur des activités quotidiennes qui sollicitent la mémoire. L'imagerie cérébrale a montré que le cerveau des participants s'activait davantage suite à ce programme que celui du groupe témoin. Des personnes en ayant bénéficié montraient moins de déclins cognitifs 5 ans plus tard. 

Aussi intéressante que soit cette autre piste à considérer, la biologie, et plus encore la biologie du cerveau, est trop complexe pour faire reposer uniquement sur l'échange de mitochondries les phénomènes qui ont été abordés dans cet article. Néanmoins c'est un autre signe que la recherche continue de progresser.

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