
Des scientifiques qui luttent contre la fraude scientifique s’inquiètent de voir leurs efforts se retourner contre eux, alors que l’administration Trump utilise leur travail pour attaquer le milieu de la recherche.
Au cours des dernières années, des scientifiques se sont faits détectives afin de démasquer les fraudes dans le monde de la recherche. Ces enquêtes ont mené à la rétractation de certains articles, mais aussi à des changements bénéfiques dans les politiques éditoriales des revues savantes.
Depuis quelques mois, ces scientifiques déplorent toutefois la façon dont leur travail est repris pour dénigrer la recherche, peut-on lire dans un article du journal Nature publié le 9 juillet. Selon eux, certains politiciens sortent les résultats de leurs enquêtes de leur contexte afin de convaincre la population que la science a besoin d’être réformée.
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Par exemple, une enquête réalisée en 2022 par un neurologue de l’Université Vanderbilt, de Nashville, a mené à la rétractation d’un article paru dans la revue Nature en 2006. On y affirmait que la protéine bêta-amyloïde, présente dans le cerveau, causait la maladie d’Alzheimer chez les rats. Les images présentées dans l’article avaient en effet été manipulées.
Lors d’une audition devant le Congrès américain en mai dernier, le secrétaire américain à la Santé, Robert F. Kennedy, a invoqué cet article frauduleux pour alléguer que la recherche sur la maladie d’Alzheimer était corrompue depuis 20 ans et que toutes les autres hypothèses avaient été écartées au cours de cette période, ce qui aurait empêché de trouver un remède pour cette maladie.
L’Association Alzheimer a rapidement réagi pour réfuter ces affirmations mensongères et expliquer que moins de 14 % du budget des Instituts nationaux en santé des États-Unis (NIH) avait été consacré à l’hypothèse du bêta-amyloïde. Elle a aussi souligné que cette hypothèse avait tout de même été supportée par plusieurs autres études solides.
Politiser la science
Cette rhétorique, selon laquelle la recherche scientifique serait fondamentalement défaillante et que son intégrité devrait être restaurée, transparaît clairement dans un ordre exécutif adopté par le président Trump le 23 mai dernier. Celui-ci a pour objectif, peut-on y lire, de rétablir la science selon des normes d’excellence (« Restoring Gold Standard Science »). Le document précise que cette politique est une réaction à « la falsification de données par des chercheurs de premier plan ayant conduit à des rétractations très médiatisées de recherches financées par des fonds fédéraux ».
Cela inquiète les chercheurs qui enquêtent sur les fraudes scientifiques, car cette politique pourrait être utilisée pour renforcer les théories du complot, souligne l’une des spécialistes citées dans l’article de Nature. De plus, les politiciens pourraient en venir à décider eux-mêmes ce qui constitue une inconduite scientifique et utiliser des critères arbitraires pour justifier la suppression de subventions ou le remplacement de scientifiques qualifiés par des alliés politiques.
Tous les scientifiques interrogés par Nature s’entendent pour dire que, même dans ce contexte, leur travail pour détecter les fraudes scientifiques demeure important. Cependant, il leur semble plus nécessaire que jamais de réagir lorsque leurs enquêtes sont utilisées hors contexte et de réfléchir à la meilleure façon de communiquer leurs découvertes.