En publiant sur son réseau social —puis en l’effaçant— une vidéo sur des lits pouvant miraculeusement guérir —les « med beds », ou « lits médicaux »— le président Trump a donné une nouvelle vie à une légende qui court depuis des décennies. Le Détecteur de rumeurs a toutefois constaté qu’il est difficile de démêler de quoi parlent ceux qui y croient.
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L’origine récente de la rumeur
Apparue dans un message du président Trump posté sur son compte TruthSocial dans la soirée du samedi 27 septembre, la vidéo de 37 secondes prenait la forme d’un faux reportage de Fox News au cours duquel le président Trump annonçait, depuis son bureau de la Maison-Blanche, avoir signé un décret créant « le premier hôpital de medbed ». Chaque Américain allait bientôt recevoir une « carte medbed » pour accéder à cette technologie miracle.
La vidéo était générée par l’IA. Le président n’a jamais fait cette annonce ni signé ce décret. Il a effacé ce message dimanche matin, mais celui-ci a eu le temps d’être partagé par de nombreux comptes, y compris en français. Selon le média de vérification des faits Snopes, la vidéo circulait depuis au moins le 24 septembre.

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Source: Complorama
Les origines plus lointaines de la rumeur
Il y a plusieurs variantes de cette croyance en des « lits médicaux », et plusieurs observateurs de l’écosystème de la désinformation (notamment aux États-Unis, ici et ici, et au Québec, ici) ont signalé ces dernières années que cette histoire s’était intégrée au mouvement QAnon —le mouvement qui défend l’idée que les différents pays sont gouvernés par une élite pédophile et sataniste. Mais il existe un lien plus lointain avec la croyance en des écrasements de soucoupes volantes, dans les années 1950: le gouvernement américain aurait récupéré des technologies extraterrestres et les utiliserait en secret dans des bases militaires.

Vidéo de l’influenceur britannique Charlie Ward publiée sur BitChute en février 2021
Tout dépendant du croyant auquel on pose la question, un medbed permettrait de rajeunir une personne de 30 ans, ou de faire disparaître un cancer, ou de traiter l’asthme, ou de faire repousser un membre amputé.
Les « photos » de différents types de lits qui ont circulé au fil des années, et qui font penser à des extraits de films de science-fiction, sont systématiquement des animations informatiques, des montages… ou des captures d’écran d’un film de science-fiction.

Des définitions contradictoires
Mais les croyants ne s’entendent pas sur la nature de la technologie. Au fil des années, il a été question d’appareils utilisant des ondes lumineuses, de l’intelligence artificielle, du quantique, etc.
Ils ne s’entendent pas non plus sur qui les a en sa possession.
Dans la version QAnon, l’armée américaine les garde sous clef, limitant l’accès aux millionnaires et aux membres du « deep state », mais Trump va « bientôt » en ouvrir l’accès à l’ensemble de la population. En 2021, dans un message publié sur la plateforme Telegram, un partisan de Trump qui se décrit aussi comme un adepte de QAnon, s’impatientait du temps que Trump mettait à dévoiler cette technologie.
Dans des versions alternatives de cette rumeur, de simples citoyens auraient d’ores et déjà mis la main dessus, puisqu’ils offrent un « traitement par medbed », pour des sommes variant entre quelques centaines et quelques milliers de dollars. En 2022, un journaliste de la BBC en avait essayé un, dans un ancien motel de l’Illinois, à l’invitation d’une compagnie nommée Tesla BioHealing. Coût: 160$ pour une heure.
Impossible malheureusement de voir la technologie : la compagnie affirmait que les appareils étaient dans le conteneur placé sous le lit de l’ancien motel.
La même année, rapportait le magazine Daily Beast, une représentante de cette compagnie annonçait sur un forum QAnon (rassemblant 36 000 personnes) de la plateforme Telegram, un traitement contre le cancer par medbed, pour la modique somme de 22 000$.
Mais sur son site, Tesla BioHealing était plus prudente : « nous ne pouvons pas diagnostiquer, traiter, guérir ou prévenir une maladie ».
La femme qui se proclame « reine du Canada », Romana Didulo, affirmait en 2022 avoir accès à cette technologie à travers son appartenance à une race extraterrestre, et offrait à ceux qui rejoindraient son mouvement de pouvoir l’utiliser, rapportait la professeure de criminologie Christine Sarteschi.
Une théorie du complot inspirée par la science-fiction?
La croyance correspond à la définition d’une théorie du complot : un immense secret partagé par un grand nombre de gens appartenant à un groupe puissant qui opère dans l’ombre, mais dont on n’a jamais réussi à obtenir une preuve.
Toutefois, la théorie du complot des medbeds en est venue à afficher une caractéristique unique : parce que leur représentation de ces lits futuristes ressemble à celle de lits apparus dans des films de science-fiction, c’est la preuve, disent certains, que leur croyance est fondée. Les auteurs de ces films se seraient simplement inspirés de la « réalité ».
« Comme si la fiction devenait la preuve que la technologie existe déjà », s’étonne l’animateur du balado Complorama, sur France Info, dans l’épisode du 4 octobre. Alors qu’il est plus vraisemblable que ce soit le parcours inverse : de bonnes idées nées dans la science-fiction (SF) ont pu, au fil des décennies, inspirer des idées complotistes. Bref, poursuit le co-animateur Tristan Mendès France, il y aurait, « de la part de la complosphère internationale, une imprégnation de toute cette culture populaire SF pour nourrir leurs propres croyances ».




