
Dans son Voyage au centre de la Terre, Jules Verne imaginait qu’un jour, on en apprendrait davantage sur ce qui se passe à des milliers de kilomètres sous nos pieds, en y descendant, tout simplement. Mais c’est aujourd’hui depuis l’orbite qu’une paire de satellites réussit à mesurer de mystérieuses perturbations dans la structure rocheuse qui se trouve aux abords du noyau.
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On parle plus précisément de la partie qui est encore solide —le manteau, qui forme 82% du volume de notre planète— et non du noyau, en partie liquide. Ce que deux satellites ont mesuré, ce sont des modifications qui se sont produites dans la région du manteau qui est voisine de la « frontière » du noyau, à 2900 km de profondeur: la roche à cet endroit serait devenue plus dense, sans qu’on puisse expliquer comment.
Ces changements se sont produits quelque part entre 2006 et 2008, et n’ont été découverts que par une analyse des données qui avaient alors été récoltées par les deux satellites en question, appelés GRACE (Gravity Recovery and Climate Experiment) : la mission de ce duo était de mesurer les variations de la gravité terrestre.
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La variation de la densité d’une aussi grande masse rocheuse a suffisamment altéré le champ gravitationnel terrestre pour que les instruments en orbite puissent le mesurer. Une percée inédite dans nos connaissances de ce qui se passe à une telle profondeur, rapportée le 28 août par cinq chercheuses françaises dans la revue Geophysical Research Letters.
En un sens, rappelle-t-on dans l’étude, on en sait plus sur le comportement du noyau que sur celui de la couche inférieure du manteau: le noyau étant liquide et doté de son propre mouvement, ses variations laissent une empreinte sur le champ magnétique qui entoure la Terre, puisque celui-ci est généré par le noyau. En revanche, les connexions entre le noyau et le manteau, qui ont probablement des répercussions jusqu’aux séismes à la surface, restent entourées de mystère. Et une observation directe, comme l’espérait Jules Verne, est impensable.
Le duo GRACE a tourné autour de la Terre de 2002 à 2017. Les deux satellites tournaient en « convoi », séparés par une distance prédéterminée, et chaque variation du champ gravitationnel —par exemple, s’ils passaient au-dessus d’une chaîne de montagnes— entraînait un écart entre eux deux, qui permettait aux experts de faire leurs calculs. Ces satellites ont aussi été utilisés pour mesurer les variations de grandes masses d’eau, en particulier les réserves souterraines d’eau potable.
Il n’en reste pas moins qu’il faudra d’autres observations pour confirmer celle-ci, et pour espérer comprendre les mécanismes qui sont à l’oeuvre.