Mais n’attendez pas de ces magnifiques photos auxquels Hubble nous a habitués. Le cosmos contient bien plus que ce que l’oeil peut voir, et c’est ce que Herschel et Planck « regarderont ». Ce dernier est particulièrement ambitieux : l’Agence spatiale européenne attend de lui qu’il démontre l’existence de l’inflation, cet événement-fondateur de l’Univers tel que nous le connaissons. Survenu, donc, un milliardième de milliardième de milliardième de seconde après le Big Bang.
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Comment diable un événement aussi fugitif pourrait-il être aussi important pour nous? C’est que le Big Bang, en lui-même, n’explique pas notre Univers tel qu’il est : un univers qui s’étend dans toutes les directions à partir d’un Bang initial ne devrait pas être aussi uniforme. À moins qu’une poussée de croissance survenue très tôt (vraiment très tôt : un milliardième...) n’ait « figé » les paramètres physiques, avant que de vilaines fluctuations quantiques n’aient le temps de gâter la sauce.
Tout ceci vous semble obscur? Rassurez-vous, ça l’est même pour l’auteur de la théorie de l’inflation. En 1980, Alan Guth, aujourd’hui au M.I.T., n’était même pas sûr de la façon dont l’inflation aurait pu commencer. Et trois décennies plus tard, les théoriciens comme lui en sont au même point. La théorie de l’inflation, vous expliqueront-ils, est populaire parce qu’elle résoud bien des problèmes de base de la physique. C'est tout.
En théorie, le télescope spatial Planck, qui doit être lancé le 14 mai, pourrait détecter des ondes gravitationnelles, qui seraient les traces indirectes de l’inflation. Mais à l’image du Large Hadron Collider, ce méga-accélérateur de particules dont on vous parlait ici et ici, et qui doit redémarrer l’automne prochain, les physiciens ne sont même pas certains si ces ondes sont assez larges pour être détectées par les instruments à bord de Planck.
C’est comme pour le boson de Higgs, objectif mythique du LHC : si on le détecte, c’est un pas de géant pour la physique, sinon... c’est peut-être parce que les instruments ne sont pas encore assez puissants.
Heureusement pour la physique, Planck s’intéresse aussi à d’autre choses. Ce bruit de fond cosmique, ces micro-ondes cosmiques, qui imprègnent tout l’univers et sont les seules traces qui nous restent des 380 000 premières années du cosmos —avant que la lumière ne fût.
Quant à l’autre télescope spatial, lancé également le 14 mai par la même fusée Ariane —autrement dit, un gros contrat pour un seul lancement— Herschel, il repousse les limites de la définition de « jeune » puisqu’il s’intéresse aux 3 premiers milliards d’années —avant l’heure de pointe de la formation des étoiles. Là où Hubble ne peut voir que ce qui brille, Herschel voit dans l’infrarouge (la NASA avait mis en orbite un télescope à infrarouge, Spitzer, il y a quelques années, moins puissant que son rival européen) et peut cartographier des champs d’étoiles qui, dans des nuages de poussière, sont en train de se former: trop froids pour briller mais juste assez pour émettre dans l’infrarouge.
En bref, Herschel et Planck sont l’équivalent des lunettes de vision nocturne, là où Hubble n’était qu’une paire de lunettes de soleil. Peu médiatiques, promettant tous deux de jeter un oeil sur les origines de l’univers mais surtout, avec le potentiel d’ajouter un chapitre à notre connaissance des lois de la physique —pas juste celles qui gouvernent les étoiles lointaines, mais les atomes, protons et quarks au sein de la matière que nous croyons être si familière.
Pascal Lapointe