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Tout d’abord, pour ceux qui ne le savent pas, la thanatopraxie est l’art -et je crois qu’il s’agit véritablement d’un art- de préserver le corps humain, jusqu’au moment des funérailles.

Thanatopraxie est le terme désormais utilisé, en remplacement du mot embaumement, qui fait maintenant référence à la préservation de longue durée telle que pratiquée dans l’Antiquité par les Égyptiens et, plus récemment, pour préserver le corps de Staline à Moscou ou de Mao Tsé-toung à Beijing. Quant aux aspects communs entre la thanatopraxie et les chemises infroissables ainsi que les pantalons à plis permanents, ils ont trait à une molécule, le formaldéhyde.

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Le formaldéhyde, aussi appelé méthanal, est un gaz qui à la température ambiante se dissout très facilement dans l’ea; une propriété avantageuse dans la fabrication de solutions antibactériennes. Par conséquent, le formaldéhyde est utilisé dans la fabrication de divers produits, dont les cosmétiques. Dans ce dernier cas, en raison des dangers potentiels notamment en ce qui a trait à l’irritation de l’épiderme, la concentration maximale de formaldéhyde est de 0,2%.

En revanche, en thanatopraxie, la concentration de formaldéhyde oscille entre 5 et 50% et les avantages d’une telle concentration vont bien au-delà du facteur antibactérien. Quand la solution la plus diluée est employée le liquide est injecté directement dans la carotide. Il se déplace ensuite pour remplacer le sang et les fluides interstitiels. Dans le cas de concentrations maximales, une fois les fluides présents aspirés, le formaldéhyde est introduit dans les cavités thoraciques et abdominales. Dans les deux cas le formaldéhyde remplit son rôle de préservation des tissus en réagissant les protéines du corps. Une myriade de liaisons transversales dites de réticulation se forment entre le formaldéhyde et les groupes azotés des protéines. Ces liaisons renforcent la structure des tissus, donnant ainsi au corps une apparence de fermeté.

Le principe de réticulation des protéines de la peau permet également le tannage du cuir. Le cuir peut être tanné avec du formaldéhyde, bien qu’aujourd’hui, des agents plus performants créés à base de chrome sont employés. Autrefois, les tanins, extraits d’écorce de chênes ou de châtaigniers, remplissaient ce rôle. C’est d’ailleurs de là que sont nés les termes tannage et tannerie.

Les vapeurs du formaldéhyde sont particulièrement irritantes, et la molécule elle-même a été reconnue par plusieurs organismes, y compris le Centre international de recherche sur le cancer, comme cancérigène pour l’humain. Mais il semble que ces inquiétudes ne perturbent pas particulièrement les thanatopracteurs ( The New York Times ). Selon eux, le formaldéhyde représente un progrès comparativement à l’arsenic utilisé par le passé. Quoi qu’il en soit, depuis les années 1980, alors que les dangers du formaldéhyde ont été mis en évidence, les salons funéraires ont modifié leurs pratiques. Aujourd’hui, les salons funéraires possèdent généralement un système de ventilation, et les thanatopracteurs portent un tablier, des gants et, ce qui le plus important, des lunettes protectrices. Néanmoins, aucun thanatologue ne semble prêt à délaisser totalement l’emploi de formaldéhyde.

À cet égard, bien qu’il existe des solutions de remplacement dites écologiques, ces dernières sont beaucoup plus chères, et pas aussi efficaces. Ces formules contiennent notamment du glycol de propylène, le composé que l’on retrouve entre autres comme antigel dans les radiateurs de voitures. Quant au glycol d’éthylène, bien qu’il offre une certaine capacité de préservation des tissus, il n’entraîne pas de réaction avec les protéines, ce qui est le cas du formaldéhyde. L’absence de réticulation entre les chaînes de protéines fait en sorte que les tissus ne présentent pas le même niveau de fermeté, ce qui ne donne pas l’apparence requise au défunt.

Mais où donc est le lien avec les vêtements infroissables? En fait, le formaldéhyde est également l’agent qui rend le coton infroissable. Sous sa forme naturelle, le coton se froisse facilement en raison des faibles liaisons hydrogènes qui tiennent en place les fibres de cellulose. Mais avec l’ajout de formaldéhyde ce dernier forme de fortes liaisons de réticulation avec les groupes hydroxyles (OH) de longues chaînes de cellulose du coton, ce qui permet aux fibres de conserver plus facilement leur position.

En pratique, le vêtement est exposé au formaldéhyde, soit sous forme de solution ou de vapeur. Si l’on doit insérer un pli, on le fait avant que la réticulation soit complète. Celle-ci est ensuite achevée en plaçant le vêtement dans une pièce à haute température.

L’arrivée du vêtement infroissable a revitalisé l’industrie du coton, alors menacée par les tissus synthétiques. Perçu comme plus naturel, le coton est de nouveau à la mode. Naturel ou pas, ne dites pas au gens qui se préoccupent de la présence de formaldéhyde dans le shampoing que leurs vêtements en contiennent peut-être aussi!

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