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Étant absorbé et submergé par la mise en page de mon livre encore pour quelques semaines avant son départ pour l’impression, je n’ai pas pu m’empêcher de faire des parallèles avec l’événement astronomique historique de lundi dernier et certains grands thèmes abordés dans cet ouvrage dont le sous-titre risque d’être « Un dialogue du Big Bang à la conscience sociale » (c’est le scoop de cette semaine !).

Pour le dire comme Jérémie McEwen à propos de l’éclipse de lundi dernier :

« Nous avons vécu une expérience spirituelle et scientifique à la fois. Le pont entre les deux s’est fait par l’aspect communautaire du tout. […] Lundi, les Québécois se sont reconnus dans leur profonde appartenance à une spiritualité païenne, post-catholique, libre et tournée vers la nature. Tournée vers le ciel. »

Cette spiritualité païenne, j’en explore les fondements lors de la seconde rencontre avec mon acolyte qui est relatée dans le bouquin. On y parle des atomes qui constituent les objets sur la Terre, mais aussi de tous les êtres vivants qui s’y trouvent, y compris nous-même. Et l’on remonte à l’origine de la formation de ces atomes (sauf quelques-uns, les plus légers, comme l’hydrogène) dans les étoiles, par fusion nucléaire. Et à la fin de la vie de ces premières étoiles, quand elles ont explosé lentement mais sûrement en supernovas, le fruit de cette nucléosynthèse stellaire a été répandu dans l’univers. Plus tard, la gravité ayant fait son œuvre, ce sont de nouvelles étoiles avec leurs planètes associées qui se sont agrégées à partir de ces atomes et qui, beaucoup plus tard, a permis à au moins un endroit dans l’univers, notre Terre, de permettre le développement d’une évolution chimique, puis biologique, également traitées dans cette deuxième rencontre rapporté dans mon livre.

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D’ailleurs, le moment de partage collectif évoqué par McEwen plus haut rejoint une tendance lourde de notre évolution biologique dont il est aussi question dans le livre : l’aspect collaboratif, beaucoup plus que compétitif, des transitions majeures de l’évolution. Pas les petites disputes compétitives de tous les jours pour plus de lumières en ce qui concerne les arbres, ou plus de ressources pour les animaux. Mais plutôt ces transitions majeures qui ont fait faire des sauts qualitatifs considérables à l’évolution biologique, comme le passage des unicellulaires aux pluricellulaires, la symbiose des cellules eucaryotes avec de petites bactéries capables d’utiliser l’oxygène qui ont donné nos mitochondries ou encore le passage de la reproduction asexuée à la reproduction sexuée, source de tant de diversité et donc moteur puissant de l’évolution par la suite.

Pour aller dans le même sens, on pourrait souligner aussi l’aspect collaboratif de la science, qui est une affaire de subjectivités partagées appuyées par des observations et des données empiriques. Par conséquent, quelle déception et quelle colère en constatant, avec l’Association pour l’enseignement de la science et de la technologie au Québec, l’AESTQ, que les récents propos tenus par le premier ministre François Legault étaient à l’opposé des valeurs scientifiques de curiosité et de partage pour lesquelles cet organisme et des vulgarisateurs scientifiques comme moi travaillons à favoriser par notre travail. Pour citer l’AESTQ :

« Legault mise sur l’éclipse de 2106 pour que les écoles soient mieux équipées » et « Écoles fermées durant l’éclipse : Dans 82 ans, je suis certain qu’on va être mieux équipé ! », parus respectivement dans Le Devoir et Le Journal de Québec. Alors que le gouvernement n’exprime aucun regret par rapport à la gestion de cet évènement astronomique unique, monsieur Legault semble oublier que depuis 2022, nous sommes nombreux à avoir interpellé différents ministères de son gouvernement pour les sensibiliser à la nécessité de préparer le milieu scolaire pour cette éclipse. […] L’inaction du gouvernement dans la préparation de l’évènement a ignoré complètement le travail acharné de ces dernières années (les organismes qui ont mobilisé énormément de temps et d’énergie, les éducateurs et éducatrices qui ont réfléchi, se sont informés, et mis en place, souvent sur leur temps personnel, des activités pédagogiques exceptionnelles pour mettre en valeur l’éclipse et favoriser les apprentissages au maximum). Les déclarations du premier ministre semblent confirmer ce mépris. »

Si le gouvernement s’entête à éclipser la pensée de ses décisions, un texte de réflexion puissant que j’ai lu suite à l’éclipse est peut-être celui du Père Duchesne qui s’intitulait : L’humanité éclipsée. Derrière ce pseudonyme se cache une pensée articulée et sensible qui tente d’embrasser à la fois la beauté du monde et sa laideur destructrice. Et c’est là qu’il rejoint la difficile démarche de mon ouvrage : comment expliquer que ce soit tous des cerveaux humains qui produisent autant ces sublimes impressions partagées que cette souffrance assénée froidement à des peuples entiers ? Je vous laisse sur deux passages de ce texte troublant. Pas dans l’intention de vous troubler, mais peut-être juste pour dire qu’il y a encore matière à réflexion et à compréhension sur l’espèce humaine…

« La nouvelle venait de la Sécurité publique : dans les prisons québécoises, il serait interdit de sortir dans la cour des établissements de détention pour voir l’éclipse. Les services correctionnels n’avaient pas envie de se taper les consignes, la surveillance et la distribution de lunettes. La solution était de demander aux détenus de regarder l’éclipse solaire totale à la télé. J’ai repensé à cette humiliation au moment où le soleil s’est mis à baisser et que toutes les ombres ont pris une forme et une couleur étranges. […] Il y avait une énergie dans l’air qui puisait sa source dans les racines de l’humanité, une sorte de terreur et d’émerveillement ataviques devant la grandeur céleste. À quelques kilomètres de là à vol d’oiseau, les détenus de la prison de Cartierville devaient se demander ce qu’ils avaient bien pu faire pour mériter d’être privés d’éclipse. »

« Parlant jardinage, une autre nouvelle est tombée plus tôt ce mois-ci, quand le magazine d’investigation israélo-palestinien +972 a publié un long reportage sur l’utilisation de l’intelligence artificielle par l’armée israélienne dans le présent conflit à Gaza. Les journalistes ont notamment révélé l’utilisation d’un logiciel nommé Lavander, qui permet d’automatiser la recherche d’individus ayant des liens avec le Hamas, grâce à différents paramètres déterminés par l’intelligence artificielle.

À la recherche de cibles, l’armée israélienne aurait amoindri le seuil de détection du logiciel jusqu’à ce que le robot en arrive à détecter plus de 35 000 cibles potentielles. L’Intelligence Artificielle aurait alors été couplée à un autre programme, Where’s Daddy?, qui permet de détecter quand un terroriste supposé rentre chez lui. À ce moment, un seuil acceptable de dommages collatéraux aurait été fixé à 10 pour 1 pour les simples soldats et à 100 pour 1 pour les haut-gradés. Autrement dit, le logiciel aurait déterminé comme acceptable de tuer 10 civils pour éliminer un individu vaguement lié au Hamas. Pire encore, le logiciel aurait eu un taux d’erreur de 10%, ce qui voulait dire que l’intelligence artificielle pouvait vous associer au Hamas si vous aviez des habitudes de vie ou des fréquentations similaires à celles d’un “terroriste”.

D’après les sources interviewées par +972, les ordres déterminés par l’intelligence artificielle auraient été approuvés ensuite par des humains, qui auraient passé moins de 30 secondes par dossier avant d’autoriser les frappes. Cette mécanique aurait été jugée plus optimale, plus efficace et surtout moins émotive par l’armée israélienne. »

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