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La santé connectée, révolution nécessaire en santé ou figure imposée?

Ce billet a d’abord été publié sur le blogue Hinnovic.

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La santé connectée nous promet un monde meilleur, des vies sauvées, des économies de temps et d’argent pour les systèmes de santé et les citoyens. Bref, à en croire les défenseurs de la santé connectée (la esanté comme disent les Français), on se demandera bientôt: «Mais comment faisait-on avant?» Pourtant, au-delà des innovations réellement pertinentes en santé, c’est surtout des $ qui brillent dans les pupilles des grandes marques et des startups. Alors qu’il semble difficile d’y résister, allons voir sous la surface ce que cache cette déferlante constituée en majorité d’objets inutiles.

Un objet connecté, kesako?

Ils commencent à envahir nos vies et à en croire leurs plus fervents défenseurs, ils nous aideront bientôt à être en meilleure santé (rien que ça…). Il s’agit bien sûr des objets connectés. Cependant, ne se définit pas comme objet connecté qui veut, ou plutôt quoi veut. D’ailleurs, le «qui» s’appliquera quand vous aurez un œil bionique connecté à internet ou quand vous aurez une micropuce interne qui enverra vos informations de santé directement sur le téléphone de votre médecin, mais ça, c’est un autre sujet.

Le marché est tellement prometteur que les marques, flairant les milliards, définissent tout et n’importe quoi en tant qu’objet connecté, confusion de plus entretenue par les articles de journaux ou de blogues écrits par des non-connaisseurs. Et justement, je m’abstiendrais de me définir comme connaisseur et je vous renvoie au billet du blogueur Cyril Rimbaud qui nous éclaire sur les bonnes définitions à utiliser pour décrire un objet connecté et l’internet des objets (attention, si vous n’avez pas l’habitude vous allez lire une foultitude d’anglicismes…). Comme le précise Cyril Rimbaud, il faut faire la distinction entre interfaces et objets connectés. Alors que les premiers ne «servent qu’à envoyer et recevoir des données en fonction des actions de l’utilisateur… comme un clavier ou un écran tactile», les objets connectés «sont capables d’agir sans l’utilisateur». Voici donc la distinction faite, mais pour les besoins de ce billet, j’engloberai les objets connectés et les interfaces comme composantes de la santé connectée.

Explosion du marché de la santé connectée

Parlons chiffres. Alors que les téléphones intelligents représentent déjà un marché colossal à l’échelle planétaire avec près de 1,3 milliard de téléphones vendus en 2014, les objets connectés devraient atteindre au minimum 50 milliards d’unités d’ici 2020 selon un rapport intitulé The Internet of Things Market et peut-être plus. Si on ne prend en compte que les objets dédiés à la santé connectée, le site Club Digital Santé mentionne qu’environ 28 milliards d’unités seront en circulation en 2020. C’est donc réellement une déferlante qui s’annonce dans le domaine. Cependant, on est en droit de se poser des questions sur la réelle utilité de la plupart des objets qui seront mis sur le marché.

La création de besoins inutiles vs les réelles innovations bénéfiques

Quand on porte attention à tous les projets qui sont dans les cartons des Apple, Samsung, Google et autres, la première réaction qui vient à l’esprit à tout être normalement constitué est: «A-t-on vraiment besoin de ces trucs?». Par exemple, prenez le marché prometteur des montres et des bracelets santé qui peuvent prendre votre pouls, indiquer les calories brûlées, suivre vos mouvements, mesurer votre sédentarité (!) et j’en passe. On peut citer la future Apple Watch, le Jawbone Up, ou encore le FitBit Flex. Si vous êtes en relative bonne santé, avez-vous vraiment besoin de connaître tous ces détails ou est-ce une excuse pour avoir la dernière montre d’Apple tout en paraissant à la mode, un peu comme ceux qui veulent le dernier téléphone intelligent des grandes marques. Les individus qui dépenseront quelques centaines de dollars pour avoir ces appareils «santé» ne rentreront-ils pas encore un peu plus dans la catégorie «moutons de Panurge» tout en allant grossir les portefeuilles déjà bien remplis des actionnaires de ces grandes multinationales?

Une chose est sûre, il est difficile de déterminer le pourcentage que représentera ce que je pourrais appeler le «unnecessary» quantified self dans l’offre d’objets et applications en santé connectée, à côté des objets et réelles applications pouvant améliorer la vie des personnes souffrant de pathologies, soit à domicile ou dans les hôpitaux et les cliniques. Tout récemment, un rapport de l’entreprise Soreon annonçait que les objets en santé connectée pourraient sauver jusqu’à 1,7 million de personnes par an. OK, peut-être, mais je prendrais personnellement cette information avec des pincettes, l’équipe de recherche de cette entreprise semblant largement en faveur de la percée des wearables devices sur le marché de la santé connectée.

Cela fera l’objet d’un futur billet sur Hinnovic, mais tous ces objets posent évidemment une problématique vis-à-vis de la protection de la vie privée et des données personnelles. Voici quelques exemples, qui selon moi seraient pertinents pour sauver des vies ou améliorer le quotidien des malades.

Des vies sauvées ici pour le prix de morts ailleurs…

S’il y a bien un sujet dont parlent très rarement les geeks, les journalistes ou blogueurs spécialisés sur les technologies de l’information et de la communication (TIC) et encore moins bien sûr les fabricants des appareils, ce sont les importants dégâts à l’environnement et à la santé humaine occasionnés par la révolution des téléphones intelligents et maintenant des objets en santé connectée. La frénésie de consommation de produits électroniques génère une quantité de déchets dangereux absolument énorme et de nombreux pays envoient encore leurs déchets dans les pays pauvres, malgré l’existence d’une convention internationale comme la Convention de Bâle (à noter que des pays comme le Canada, les USA ou Israël n’ont toujours pas ratifié l’amendement qui interdit l’exportation de produits dangereux vers des pays outremer).

On nous promet des vies sauvées ici, mais on ne parle pas des vies perdues dans des pays d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique du Sud où sont extraits certains minerais présents dans les produits électroniques, comme le coltan, incontournable dans les téléphones et objets connectés possédant une mémoire interne. On peut aussi mentionner la durée de vie de plus en plus courte de ces appareils et le phénomène de l’obsolescence programmée, véritable fléau de nos économies modernes.

In fine, cette révolution promise par la santé connectée s’inscrit dans une frénésie de consommation de produits électroniques futiles alors qu’elle devrait être réservée à une niche bien définie dans le secteur de la santé, comme l’amélioration des conditions de vie de malades ou personnes âgées ou encore une meilleure gestion des systèmes de soin de santé afin de libérer les médecins de certaines tâches et donc de se rapprocher des patients.

Pour aller plus loin:

Visionnez le reportage de la chaîne de télé française France2 sur les impacts sanitaires et environnementaux des objets électroniques, de nos téléphones cellulaires et bientôt de nos objets connectés en santé (vidéo en dessous de la photo du billet).

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