Ce billet a d’abord été publié sur le blogue Hinnovic de l'Université de Montréal.
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Simuler le plus fidèlement possible le comportement et les propriétés physiques des valves cardiaques afin de mieux concevoir des prothèses de remplacement en cas de déficience de ces dernières, c’est tout le défi de l’informatique computationnelle appliquée à la biomécanique du cœur. De récentes avancées scientifiques dans la modélisation du fonctionnement des valves cardiaques à l’aide de supercalculateurs laissent espérer une forte amélioration de la fiabilité et surtout de la durée de vie des valves artificielles.
100,000 et 2,5 milliards de fois, ce sont en moyenne le nombre de battements d’un cœur humain durant respectivement une journée et une vie. Le cœur est un formidable muscle et une machine complexe dans laquelle chaque battement fait intervenir la fermeture et l’ouverture de plusieurs valves autorisant l’arrivée du sang et son départ vers les poumons ou les autres organes du corps. Les valves ont le rôle de clapets antiretour, le sang ne peut passer que dans un seul sens. Or il arrive qu’à la suite de différentes maladies des valves du cœur (appelées valvulopathies), celles-ci doivent être réparées (comme dans cette opération de la valve mitrale) ou remplacées, comme cette opération de la valve aortique par voie de cathéter dans ce reportage du magazine Découverte de Radio-Canada (attention, certaines images peuvent être difficiles, cœurs sensibles s’abstenir…).
Mieux comprendre les types d’écoulements et les contraintes à l’œuvre dans le coeur
Les valves artificielles reproduisant le fonctionnement naturel évoluent dans un environnement complexe à cause des différents types d’écoulements du sang (écoulement laminaire ou turbulent) et des mouvements en jeu. Par exemple, les clapets constituant la valve mitrale qui sépare l’oreillette gauche du ventricule gauche sont soumis à des tensions et des étirements lors de chaque battement cardiaque. Au niveau cellulaire, cela implique des déformations complexes dont il faut tenir compte quand il s’agit de concevoir des prothèses de remplacement.
Même si la modélisation du comportement du tissu cellulaire a permis de mieux comprendre comment les cellules du clapet s’adaptent afin de pallier les nombreux efforts et contraintes physiques du pompage incessant du sang, il était nécessaire d’améliorer fortement la modélisation du fonctionnement d’une valve en entier. C’est encore grâce aux supercalculateurs du Texas Advanced Computing Center (TACC) que l’équipe du professeur Michael Sacks a utilisé les résultats de la précédente étude pour mieux comprendre les déformations à l’œuvre et la géométrie d’une valve mitrale. Ils ont publié leurs résultats dans la revue Biomechanics and Modeling in Mechanobiology. À la clé, une amélioration de la durée de vie des valves réparées par intervention chirurgicale qui peuvent lâcher seulement 3 à 5 ans après l’opération.
Modéliser la complexité des valves pour améliorer les bioprothèses cardiaques
Mais il y a plus. Chaque année en effet, environ 280,000 personnes dans le monde subissent une opération chirurgicale qui consiste à poser une valve artificielle quand il est impossible de réparer la valve biologique. Et là encore, les modélisations par supercalculateurs s’avèrent être cruciales. Toujours grâce aux équipements du TACC, une troisième étude s’est intéressée à la valve aortique, qui subit des contraintes de pression à cause du sang passant du ventricule gauche vers l’aorte. Toute la difficulté de la modélisation consiste à mettre au point un modèle mathématique tenant compte du type d’écoulement et de la déformation tissulaire. L’étude publiée dans la revue Computer Methods in Applied Mechanics and Engineering est la première à intégrer les deux paramètres dans un même modèle visant à augmenter la durée de vie des prothèses de valve biologiques, c’est-à-dire constituées de tissus et non de parties mécaniques.
L’enjeu est là encore l’augmentation de la durée de vie des prothèses par une modélisation des clapets constituant les valves. Selon Ming-Chen Hsu, coauteur de l’étude, « si on peut augmenter la durée de vie des bioprothèses de 3 à 5 ans en moyenne, ce serait une avancée formidable et cela aurait un impact clinique énorme. »
Les systèmes de supercalculateurs utilisés pour ces études, par exemple le Stampede, permettent d’utiliser la puissance de calcul de centaines de milliers de processeurs à plusieurs cœurs au profit de la santé de centaines de milliers de personnes… à un cœur.