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Alors que la COP 21 a enthousiasmé certains tandis qu'elle en a déçu d'autres, quels sont les liens entre la santé publique et les changements climatiques ? Voici un portrait de la situation au travers d'un billet en 2 parties.

Ce billet a d’abord été publié sur le blogue Hinnovic de l'Université de Montréal.

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Dans la première partie de ce billet, nous nous sommes projetés dans un scénario fictif dans lequel une canicule intense frappe une grande partie de l’Europe durant l’été 2029. Des dizaines de milliers de décès causés par les records de chaleur, la pollution dans les grandes villes et les feux de forêt d’une ampleur inégalée.

Les grands médias parlent encore trop souvent des changements climatiques au futur. Pourtant, les effets du réchauffement climatique sont déjà perceptibles, et ce partout sur la planète avec cependant des disparités importantes. Le Québec n’est pas en reste puisque les changements climatiques sont aussi amenés à avoir des impacts de plus en plus importants sur la santé de la population. Dans son plus récent rapport, le Consortium Ouranos mentionne qu’on « prévoit une hausse de la mortalité et la morbidité, notamment en raison des îlots de chaleur urbains », mais la population québécoise pourrait aussi être affectée par « l’allongement de la saison des pollens et l’intensification de la pollution atmosphérique occasionnée par les feux de forêt qui pourraient aggraver les problèmes respiratoires et cardiovasculaires ». Concernant le lien entre pollution et maladies cardiovasculaires, nous vous suggérons de visionner notre excellente entrevue vidéo avec Dr François Reeves.

Les îlots de chaleur, la pollution atmosphérique et les effets indirects

Comme nous le précisions dans la première partie de ce billet, les changements climatiques impactent la santé de façons directes et indirectes. En ce qui concerne les effets directs, les grands centres urbains sont le plus à risque notamment à cause du phénomène des îlots de chaleur urbains (ICU). Les ICU « sont des zones où les températures sont plus élevées de 5 à 10°C que les secteurs environnants ». Ce phénomène est créé par plusieurs facteurs, le principal étant lié au niveau de réflectivité de la lumière par une surface ou albédo. L’albédo représente un chiffre compris entre 0 et 1. La valeur 0 correspond à un objet entièrement noir alors que 1 représente un miroir parfait. Or, il se trouve que les grands centres urbains possèdent des albédos bas à cause des bâtiments (surtout leurs toits), des routes en goudron, des grands entrepôts et des centres commerciaux. Ceci a pour effet de capter la chaleur et de la retenir, participant à augmenter sensiblement les températures le jour, mais aussi la nuit quand les matériaux ayant accumulé la chaleur la restituent dans l’environnement, autant à l’extérieur des bâtiments qu’à l’intérieur (voir le graphique ci-contre – cliquez pour agrandir). Cependant, le phénomène des îlots de chaleur n’est pas l’apanage des centres-villes. L’étalement urbain participe fortement à amener cette problématique dans les banlieues, des zones dans lesquelles la canopée diminue au profit des routes et des centres commerciaux. Ironiquement, les appareils de climatisation que nous utilisons lors des pics de chaleur participent à l’augmentation des températures en ville, car ils extraient la chaleur intérieure des bâtiments pour la rejeter à l’extérieur. Évidemment, la climatisation est un mal nécessaire pour les personnes les plus vulnérables, comme les personnes âgées ou les nouveau-nés.

Un autre impact direct des changements climatiques sur la santé des populations est lié à la dégradation de la qualité de l’air. En effet, les canicules s’accompagnent la plupart du temps d’une stagnation de l’air. Le vent ne peut alors disperser les polluants émis par les activités industrielles et les transports (qui sont aussi des contributeurs majeurs du réchauffement climatique). Parmi les composés affectant directement la santé pulmonaire, l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) dénombre les oxydes d’azote (NOx), les composés organiques volatils (COV), les oxydes de soufre (SOx), les particules en suspension, mais aussi le monoxyde de carbone (CO). Comme le précise l’AQLPA, « sous l’effet du soleil et de l’air stagnant, les NOx et COV réagissent pour former de l’ozone troposphérique (O3), un gaz incolore et extrêmement irritant qui se forme juste au-dessus de la surface de la Terre. » Alors que l’ozone nous protège des rayons ultraviolets (UV-B) grâce à la célèbre couche d’ozone, ce gaz est très dommageable pour la santé au niveau du sol.

Tous ces composés ont des impacts graves sur la santé pulmonaire et cardiaque et sont la cause de milliers de décès chaque année. Par exemple, le journal Le Devoir rapportait l’année dernière que 1,500 personnes meurent chaque année à Montréal à cause de la mauvaise qualité de l’air. À l’échelle mondiale, la pollution atmosphérique a fauché 3,7 millions de vies en 2012 selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Si nous ne prenons pas collectivement des mesures fortes pour réduire nos émissions polluantes, ces statistiques vont forcément continuer à empirer.

La nécessité de s’adapter et l’importance de lutter contre le réchauffement climatique

Indépendamment du succès ou de l’échec de l’adoption d’un accord contraignant lors de la COP21 à Paris, la société civile est d’ores et déjà amenée à s’adapter aux impacts des changements climatiques sur la santé. En effet, « même si nous devenions subitement sobres en carbone, l’inertie du système climatique fait en sorte que nous avons déjà enclenché des effets que nous ne subissons pas encore » selon Heidi Cullen, une climatologue qui publie des articles vulgarisés sur le site climatecentral.org. Quelles sont les solutions à mettre en œuvre pour s’adapter aux changements climatiques et limiter les impacts sur la santé publique ?

Tout d’abord et puisque les îlots de chaleur sont surtout présents dans les grandes villes, il convient de mettre en place des politiques visant à les réduire :

  • Repenser l’environnement bâti en favorisant la mise en place de toits verts ou de manière générale la végétalisation des bâtiments.

  • Favoriser grandement l’utilisation des transports actifs afin de réduire l’emprise de la voiture. Cette politique occasionne de façon indirecte une diminution de l’étalement urbain.

  • Améliorer la mobilité des personnes à risques en cas de canicule. En effet, il est logique pour une personne âgée d’avoir plus de difficulté ou de renoncer à se déplacer si un trajet manque d’ombrage et emprunte des zones connues comme étant des îlots de chaleur. Au contraire, il convient de mettre en place des îlots de fraîcheur aussi naturels que possible.

Favoriser l’utilisation des transports actifs : on ne le répétera jamais assez, une ville en santé passe par des politiques favorisant l’adoption d’habitudes de déplacement qui réduisent de beaucoup le recours aux véhicules émettant des polluants atmosphériques. De plus, cette solution améliore la santé métabolique (lire notre capsule à ce sujet) et permet de lutter contre la congestion tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre (GES). Favoriser les transports actifs, c’est aussi bon pour le portefeuille de chacun et par extension pour les portefeuilles des différents paliers de gouvernance. Comme le précise Jean-François Bruneau dans cette entrevue vidéo : « Chaque kilomètre parcouru en voiture coûte 27 cents à la communauté alors que chaque kilomètre à vélo rapporte 21 cents. »

Finalement, il convient de ne surtout pas se contenter de s’adapter aux changements climatiques, il faut encore et toujours lutter contre le réchauffement climatique causé par nos émissions de GES. Cela passe par une réduction de notre dépendance aux énergies fossiles, par des changements de conduite et de comportements et par une remise en question de notre modèle de développement économique. On peut se questionner sur la pertinence et l’efficacité des grands sommets internationaux, mais s’il y a une chose qui est certaine, c’est que nos changements de comportements ont des impacts directs sur la lutte contre les changements climatiques.

Il est désormais inévitable que nos actions et notre style de vie nous dirigent rapidement vers une planète aux conditions beaucoup moins propices que celles qui régnaient durant l’Holocène, cette époque géologique qui a démarré il y a presque 12,000 ans et qui a permis la formidable expansion de l’espèce humaine. Ironiquement, nous serions désormais entrés dans l’époque nommée Anthropocène, c’est-à-dire l’époque durant laquelle les activités des êtres humains sur la biosphère commencent à devenir une force géologique. Le chemin que nous emprunterons dépendra de notre volonté collective. À nous de faire des choix éclairés pour le bénéfice de l’environnement et donc de notre santé, elle le vaut bien, non ?

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