tableau daté de la fin du XVIIIe siècle

C'est une question sur laquelle les spécialistes du langage se butent depuis longtemps. Déjà, au début des années 1930, Richard Paget avait proposé que les premiers signes vocaux fussent liés à des gestes1. Dans les années 1990, des travaux ont montré que le recours à des gestes manuels aidait des aphasiques à nommer les objets2, voire à récupérer, au moins partiellement, l'usage de la parole3. D'autres études dans les années 2000 ont mis en évidence un lien entre les mouvements de la main et de la bouche, y compris au niveau cortical4.

On sait que très tôt, entre 12 et 18 mois, l'enfant est en mesure de pointer du doigt pour répondre à des questions telles que «Montre-moi où est le chien. » «Montre-moi où est la table. » Et cela avant même qu'il sache prononcer les mots correspondants. De façon encore plus intéressante, l'enfant de cet âge peut pointer de l'index un objet pour l'obtenir. Ce simple geste équivaut chez l'enfant à une phrase du genre : « Je veux que tu m'apportes ce jouet.».

L'évolution des capacités neurolinguistiques chez l'humain est sans doute un phénomène beaucoup trop complexe pour affirmer sur la base de ces quelques observations que nos capacités langagières ont d'abord été précédées d'une communication gestuelle. J'aimerais seulement prolonger cette réflexion ici en mentionnant pour terminer ce que m'a relaté ma sœur à propos de sa petite-fille. Voici ce qu'elle m'a confié : «Dans son cas, ce qui était particulier c'est qu'elle pointait absolument tout, incluant des éléments comme les tableaux sur le mur, le foyer dans la salle à manger, des décorations sur les meubles, etc. Elle voulait connaître très tôt le nom de tout ce qui l'entourait, et ce, bien avant qu'elle parle. Puis, quelques jours plus tard, lorsqu'on lui demandait où était le foyer, le vase bleu, elle pointait rapidement le bon objet. Elle devait avoir environ 1 1/2 an. » Ainsi, chez cet enfant, pointer les objets du doigt n'avait pas pour but dans ce cas-ci d'obtenir ce qu'elle désignait, mais plutôt d'en connaître le nom. Sans pouvoir prononcer les mots entendus dans l'immédiat, elle les mémorisait et pouvait le montrer en les pointant lorsqu'elle était interrogée.

Je donne