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Si les médicaments utilisés dans le traitement du trouble déficitaire de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) peuvent diminuer l’inattention et calmer l’hyperactivité à court terme, qu’en est-il du long terme ?

L’efficacité à long terme n’a pas été démontrée

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Les psychostimulants, qui comprennent les produits à base de méthylphénidate (Ritalin, Biphentin, Concerta) et les amphétamines (Adderall, Vyvanse), ont démontré leur efficacité à court terme. Cependant, une part importante de la population ne répond pas aux psychostimulants. Ces personnes pourraient se voir prescrire un antidépresseur (Strattera), un antihypertenseur (Intuniv) ou un antipsychotique.

Deux psychiatres ayant rédigé un ouvrage destiné aux médecins pour identifier et traiter le TDAH affirment : « Le traitement à long terme par stimulants aux doses appropriées améliore les résultats dans de multiples domaines du fonctionnement » (S. Kutcher, I. Garcia-Ortega, Identification, diagnostic et traitement du TDAH chez les enfants. Ensemble pour les dispensateurs de soins de première ligne, p. 32).

Or, l’information professionnelle de Novartis, que nous avons déjà citée, signale : « La sécurité et l’efficacité à long terme du méthylphénidate n’a pas été systématiquement évaluée dans des essais contrôlés ». Les essais contrôlés présentent, lorsqu’ils sont bien faits, le plus haut niveau de preuve quant à l’efficacité et la sécurité d’un médicament.

Le Centre belge d’information pharmacothérapeutique, indépendant de l’industrie pharmaceutique, remarque qu’« aucun argument ne permet de suggérer que le traitement de l’ADHD [la Belgique utilise l’acronyme anglais] puisse influencer la problématique de fond » et « aucune amélioration substantielle des prestations scolaires n’a été démontrée».

Précisions que quatre études indépendantes à long terme ont été réalisées. Bien qu’elles ne soient pas contrôlées au sens strict du terme, en raison de l’absence d’un groupe témoin (ayant pris un placebo). À l’heure actuelle, elles constituent les meilleures preuves disponibles quant à l’efficacité des psychostimulants.

Quatre études indépendantes

L’étude MTA

La première étude à long terme, financée par l’Institut américain de santé mentale (NIMH) et intitulée « Multimodal Treatment of Attention Deficit Hyperactivity Disorder », a débuté en 1999. Durant les 14 premiers mois, près de 600 enfants de 7 à 10 ans, divisés en 4 groupes, ont reçu des traitements différents : les enfants du premier groupe ont été traités avec un psychostimulant seulement et faisaient l’objet d’un suivi rapproché avec un médecin ; le deuxième groupe a reçu une thérapie comportementale ; le troisième, un médicament plus une thérapie ; enfin, le quatrième groupe a reçu les soins communautaires habituels (67% des enfants de ce groupe étaient sous psychostimulant). Ils ont ensuite été suivis pendant huit ans.

À la fin de cette première étape, les auteurs étaient en grande partie convaincus de l’avantage du médicament, soulignant que les sujets médicamentés avaient obtenu les meilleurs résultats du point de vue de la réduction des symptômes. Mais la période de suivi remit en question les conclusions initiales. Après 14 mois, l’avantage du traitement médicamenteux commençait à s’estomper. Après 24 mois, « approximativement la moitié de l’avantage initial s’était dissipé ». Enfin, à trois ans « sur quelque mesure que ce soit, les groupes de traitement ne présentaient aucune différence ». Les enfants sous psychostimulants ne se portaient pas mieux, même quand la dose fut augmentée de 41 %. Après six ans, les enfants sous médicament présentaient « plutôt des symptômes d’hyperactivité-impulsivité ».

Un des auteurs de l’étude déclare : « Nous avions pensé que les enfants qui sont médicamentés sur une plus longue période obtiendraient de meilleurs résultats. Ce n’est pas ce qui s’est produit. Au long cours, il n’y a aucune indication que les médicaments sont meilleurs que rien ».

L’étude PATS

Cette étude auprès d’enfants d’âge préscolaire a été financée par le NIMH. Elle regroupait 333 enfants de 3 à 5 ans, suivis 6 ans et traités au méthylphénidate. Au début, on a constaté une diminution des symptômes. Cependant, le diagnostic de TDAH s’est maintenu chez 89 % des enfants médicamentés six ans après le début de l’étude. Autrement dit, à long terme, le médicament ne fonctionne pas chez 9 enfants sur 10. Près des deux tiers des sujets médicamentés présentaient même un peu plus de symptômes que ceux qui ne l’étaient pas. En cours de route, 40 % ont été placés sous d’autres molécules que le méthylphénidate, dont 13 % sous antipsychotiques.

Enfants canadiens et québécois : l’étude de Janet Currie

Les chercheurs ont utilisé une étude longitudinale canadienne de 8643 enfants, dont 1654 du Québec, suivis sur une période de 14 ans. L’étude a reçu des fonds des Instituts de recherche en santé du Canada. Les résultats furent publiés en 2013. À long terme, les sujets médicamentés étaient légèrement plus susceptibles de redoubler, d’obtenir de moins bons résultats en mathématiques, d’éprouver une détérioration des relations avec leurs parents, et d’exhiber un peu plus d’anxiété, d’humeur dépressive et de tristesse, particulièrement les filles.

Les auteurs expliquent ces résultats en évoquant deux hypothèses. La première soutient qu’un enfant qui reçoit un diagnostic de TDAH est plus susceptible d’être stigmatisé et placé dans une classe spéciale ; l’autre possibilité suggère que le médicament peut devenir un substitut à des interventions cognitives et comportementales.

L’étude Raine : Australie occidentale

Cette étude, financée par le gouvernement d’Australie occidentale, a suivi sur huit ans 2878 enfants et adolescents de 6 à 14 ans, dont 131 TDAH. Or, les enfants médicamentés s’en tiraient légèrement moins bien en ce qui a trait à la dépression, au fonctionnement social et à l’estime de soi. Les professeurs jugeaient qu’ils étaient 10 fois plus susceptibles de subir des échecs scolaires et leur pression diastolique (la valeur la plus basse) sur une base régulière était supérieure de 10,79 mm Hg par rapport aux non-médicamentés, ce qui représente une augmentation importante.

Conclusion

En septembre 2008, l’agence américaine de réglementation des médicaments (Food and Drug Administration) expédiait des avertissements à cinq fabricants et distributeurs de psychostimulants. Elle qualifiait certaines de leurs publicités de « fausses ou trompeuses » et leur demandait de les retirer, car elles exagéraient l’efficacité de leurs produits. Le fabricant Shire fut condamné à payer une amende de 56,6 millions de dollars pour publicité trompeuse au sujet de certains de ses produits.

À long terme, il n’existe aucune preuve que les médicaments soient plus efficaces que rien. Au contraire, les études indépendantes suggèrent fortement que les enfants médicamentés s’en tirent moins bien que les sujets non-médicamentés. Dans les cas les plus graves, les médicaments peuvent ouvrir les enfants et les adolescents à des thérapies non médicamenteuses, qui doivent prendre le relais. Les enfants doivent alors compter sur l’appui de leur entourage et l’école doit disposer des ressources nécessaires pour les encadrer.

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