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Est-ce que certaines femmes sont plus susceptibles que d’autres de mettre au monde des jumeaux? Le Détecteur de rumeurs a analysé les multiples facteurs dont on prétend qu’ils pourraient avoir une influence.


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Comment sont conçus les jumeaux?

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Dans un chapitre portant sur la biologie et la génétique des jumeaux, des scientifiques des États-Unis et des Pays-Bas rappellent tout d’abord ce qui distingue les deux types de jumeaux.

  • Les jumeaux identiques, aussi appelés monozygotes, proviennent d’un seul oeuf fécondé qui se divise éventuellement pour former deux embryons.
  • Les faux jumeaux, ou dizygotes, proviennent de deux ovules fécondés par des spermatozoïdes distincts.

Les mécanismes menant à la conception de jumeaux identiques ne sont pas encore complètement compris, selon Nancy L. Segal, une psychologue évolutionniste et généticienne comportementale américaine, spécialisée dans l'étude des jumeaux. Dans son livre Twin Mythconceptions: False Beliefs, Fables, and Facts about Twins (2017), elle propose quelques hypothèses. Par exemple, si l’oeuf fécondé prend plus de temps à s’implanter dans la paroi de l’utérus, cela pourrait favoriser sa division en deux embryons. Ou bien, une faible concentration de calcium à certaines étapes du développement du zygote pourrait occasionner une pause dans le processus, ce qui stimulerait la division.

Le phénomène est toutefois mieux compris pour les faux jumeaux qui sont conçus tout simplement lorsque deux ovules sont libérés au même moment par l’ovaire. Puisque l’ovulation est contrôlée par les hormones reproductives, celles-ci joueraient un rôle dans la conception des jumeaux. C’est le cas de l’hormone folliculo-stimulante (FSH). Selon l’Encyclopedia of Animal Cognition and Behavior, si la concentration de FSH dépasse un certain seuil, plus d’un follicule ovarien se développe à la fois, ce qui mène à la libération de deux ovules.

Quels facteurs influencent la naissance de jumeaux?

Selon les scientifiques américains et néerlandais, les taux les plus élevés de jumeaux sont observés en Afrique subsaharienne (23 par 1000 accouchements) et les plus bas, en Asie (5 à 6 par 1000 accouchements), selon des données des années 1970. Le nombre de jumeaux a toutefois augmenté beaucoup ces dernières décennies, principalement en raison du recours aux traitements de fertilité. Cependant, la proportion de jumeaux identiques est assez constante à travers le monde et dans le temps. Les variations dans les taux de jumeaux seraient donc attribuables principalement aux jumeaux non identiques, ou faux jumeaux.

Certains facteurs qui influencent les probabilités de concevoir des jumeaux ont été bien décrits. Tous ceux qui suivent, à l’exception possible de la saison de conception, concernent principalement les faux jumeaux.

1) L’hérédité

Selon l’Encyclopedia of Animal Cognition and Behavior, dès 1901, l’obstétricien-gynécologue allemand Wilhem Weinberg rapportait que les mères, les soeurs et les filles d’une femme qui avait accouché de jumeaux, étaient plus susceptibles d’en mettre au monde à leur tour.

Cependant, dans une étude réalisée en 1996 en Australie, des scientifiques ont remarqué que les jumeaux étaient plus fréquents dans la famille d’un jumeau non identique que dans la famille d’un jumeau identique. En 2008, des chercheurs sont arrivés à la même conclusion en analysant le registre de naissance des Pays-Bas. L’hérédité semble donc jouer un rôle plus important dans la conception de jumeaux dizygotes que monozygotes.

Fait intéressant, les mères de jumeaux rapportent parfois la présence de jumeaux dans la famille de leur père, soulignent les scientifiques néerlandais. Selon eux, cela signifie que ce trait héréditaire pourrait aussi être transmis de père en fille.

2) L’âge de la mère

Plusieurs études ont noté une association entre un âge maternel avancé et une fréquence plus élevée de jumeaux non identiques (au Danemark en 1990, en Grèce en 1995 et à nouveau au Danemark en 2007). Plus récemment, une étude réalisée en 2014 auprès de mères écossaises et nigériennes a aussi remarqué que la fréquence des jumeaux dizygotes augmente avec l’âge. Au Niger, ce sont les femmes de 30 à 34 ans qui étaient le plus susceptibles d’en mettre au monde alors qu’en Écosse, c’étaient celles de 35 à 39 ans.

Pour les jumeaux identiques, les résultats se contredisent. L’étude danoise de 1990 et celle de 2014 (Niger/Écosse) n’ont observé aucun effet alors que l’étude grecque de 1995 a noté une tendance à la hausse.

Selon les scientifiques des États-Unis et des Pays-Bas, la hausse de la fréquence des jumeaux avec l’âge de la mère pourrait être le résultat d’un processus de sélection naturelle. Une équipe de chercheurs brésiliens s’est d’ailleurs intéressée à cette hypothèse en 2018. Elle explique que le fait de produire plusieurs ovules à la fois augmenterait la fertilité de la femme à un moment de sa vie où ses années reproductives sont comptées. De plus, l’utérus des mères plus âgées serait moins sélectif, c’est-à-dire qu’il permettrait la survie de plus d’embryons, même s’ils présentent certaines anomalies.

3) La taille et le poids

En 1979, une étude réalisée en Écosse avait conclu que les mères de jumeaux dizygotes étaient plus grandes que les mères de jumeaux monozygotes ou que les femmes qui avaient accouché d’un seul enfant. Ces résultats ont été confirmés par plusieurs études (en Grèce en 1995, en Écosse en 2008, aux Pays-Bas en 2010 et en Écosse et au Niger en 2014).

En 2005, une étude menée auprès de mères américaines a noté pour sa part que la fréquence des jumeaux dizygotes était également plus élevée chez les mères avec un indice de masse corporelle supérieur à 30. Ces résultats concernant l’obésité ont été reproduits plusieurs fois (au Danemark en 2007, en Écosse en 2008 et aux Pays-Bas en 2010). Aucun lien n’a toutefois été observé pour les jumeaux identiques.

4) Le tabagisme

Une étude réalisée en 1988 au Danemark a montré une association entre le fait de fumer plus de 10 cigarettes par jour et une augmentation de la probabilité de mettre au monde des jumeaux dizygotes. Deux autres études (au Danemark en 2007 et aux Pays-Bas en 2010) sont arrivées au même résultat. Une étude menée en Suède en 1998 a aussi conclu que les fumeuses avaient un plus grand risque d’avoir des jumeaux, mais seulement si elles avaient déjà eu d’autres enfants.

Selon certains scientifiques, le tabagisme augmenterait le risque de double ovulation, probablement en causant un débalancement des hormones reproductives.

5) La saison de conception

Une étude réalisée en Suisse a observé qu’entre 1876 et 1930, les naissances de jumeaux étaient 20% plus fréquentes en mars qu’en octobre. Cette variation saisonnière n’était toutefois pas aussi importante entre 1969 et 1990.

Deux autres études ont remarqué que les saisons semblaient influencer les naissances de jumeaux, du moins dans le passé. Par exemple, en 1980, des chercheurs ont évalué les naissances de jumeaux en Angleterre et au Pays de Galles entre 1952 et 1959 et entre 1963 et 1975. Ils ont observé que les naissances de jumeaux dizygotes étaient 5% plus nombreuses en décembre qu’en juin. L’effet n’était pas aussi clair pour les jumeaux monozygotes, mais il semblait y avoir une augmentation en novembre.

Par la suite, en 1999, deux scientifiques finlandais ont étudié différentes périodes de l’histoire danoise. Ils ont observé qu’au 19e siècle, les naissances de jumeaux étaient plus fréquentes au printemps et pendant l’été. La tendance était toujours présente au 20e siècle, mais de façon moins prononcée.

Plus récemment, l'étude réalisée en 2014 auprès de mères écossaises et nigériennes n’a noté aucun effet des saisons sur la fréquence des jumeaux.

Plusieurs hypothèses existent pour expliquer pourquoi les femmes du passé semblaient plus fécondes à certains moments de l’année. Par exemple, il est possible que la fréquence des ovulations multiples ait déjà varié en fonction des saisons en raison de modifications dans l’alimentation. Selon l'Encyclopedia of Animal Cognition and Behavior, on sait qu’une meilleure alimentation serait associée à une fréquence plus élevée de jumeaux dizygotes chez les animaux. Par ailleurs, les auteurs proposent aussi que les variations de luminosité à différentes périodes de l’année puissent influencer les niveaux d’hormones reproductives.

 

Photo: badelcap / Pixabay

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