
Le mélanome n’est pas seulement un cancer de la peau; il se loge aussi dans l’uvée et donc dans les yeux. La Société canadienne du cancer indique qu’en 2019, 385 Canadiens et Canadiennes ont reçu un diagnostic de cancer de l’œil et qu’en 2022, 52 en sont décédés. Ce cancer peut être traité par curiethérapie qui consiste à appliquer un implant radioactif sur la tumeur pour la circonscrire et l’éliminer. Mais les implants disponibles ne couvrent pas toujours la tumeur de façon optimale. Un problème de forme que le professeur Marc-André Fortin, membre du CQMF, veut résoudre grâce à l’impression 3D dans son Laboratoire de Biomatériaux pour l'Imagerie Médicale (BIM) au Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval.
Les implants standards sont composés d’une couche métallique et d’une couche de silicone entre lesquelles sont insérés des grains radioactifs pour irradier et contrôler la tumeur. Un chirurgien insère l’implant contre l’œil vis-à-vis de la tumeur et le retire après 3 jours d’exposition à la radiation. Les implants standards ont bien une forme hémisphérique pour s’adapter à la rondeur de l’œil, mais tout le monde n’a pas les yeux exactement d’un même rayon de courbure. Les tumeurs n’ont pas toutes la même forme ni le même emplacement non plus. C’est pourquoi il arrive que des radiations débordent de la tumeur, touchent la rétine et causent une pathologie appelée rétinopathie. Pour remédier à ces fâcheux effets secondaires, l’équipe de Marc-André Fortin s’attèle à concevoir et fabriquer des implants sur mesure selon la taille et la forme de la tumeur et de l’œil du patient.
Abonnez-vous à notre infolettre!
Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!
La première étape est de scanner l’œil et la tumeur pour en déduire un modèle numérique et concevoir un implant qui épousera parfaitement la forme de l’œil et qui ciblera précisément la tumeur.
La deuxième étape est d’imprimer l’implant, non pas en métal ou en silicone, mais en polyétheréthercétone (PEEK), un polymère imprimable, inerte pour le corps. Comme le PEEK est vendu sous forme de poudre ou de granules et non de filaments pour alimenter une imprimante 3D, Souheib Zekhraoui, étudiant au doctorat, a développé un procédé de fabrication de filaments de PEEK par extrusion, un peu à la manière de spaghettis.
Une fois l’implant imprimé, la troisième étape est d’insérer les grains radioactifs. En partenariat avec le radio-oncologue qui effectue le diagnostic et propose un traitement pour le patient, un physicien médical – une spécialité de la physique - analyse le modèle de la tumeur et détermine la dose et la localisation des grains de radioactivité sur l’implant pour diriger les radiations vers la tumeur et éviter qu’elles n’atteignent les tissus sains. L’étudiant Souheib Zekhraoui et le professionnel Theophraste Lescot (aussi au BIM), ont développé une approche novatrice pour encapsuler la radioactivité dans les implants de façon plus personnalisée et plus ciblée, tout en se conformant au plan initial prescrit par le physicien médical sous la recommandation du radio-oncologue.
La quatrième étape est de s’assurer que le rayonnement ciblera avec précision les contours de la tumeur sans toutefois déborder sur les tissus sains. Une étudiante au doctorat, Mahdokht Akbari, est alors entrée en scène pour développer un gel dosimétrique qui, à la manière d’un film radiographique en 3D, permet de révéler le « nuage d’énergie » déposée par la radioactivité et de vérifier qu’il épouse bien la forme de la tumeur.
L’équipe a surmonté avec succès ces premières étapes, mais d’autres restent à franchir avant que des patients puissent profiter de ces implants personnalisés. Les patients atteints d’un cancer de l’œil ne seront pas les seuls à en bénéficier puisqu’une approche similaire pourrait être appliquée entre autres au cancer du col de l’utérus, de l’œsophage, et de la trachée.
Financement
Le projet des plaques épisclérales en impression 3D a fait l’objet d’une subvention des Instituts de Recherche en Santé du Canada.
Pour en savoir plus
Lescot, T., Lebel-Cormier, M-A., Seniwal, B., Gros-Louis, P., Bellerive, C., Landreville, S., Beaulieu, L. & Fortin, M-A. (2023).Tumor Shape-Specific Brachytherapy Implants by 3D-Printing, Precision Radioactivity Painting, and Biomedical Imaging. Advanced Healthcare Materials, 12(25):e2300528
https://doi.org/10.1002/adhm.202300528
Société Canadienne du Cancer : Radiothérapie du Cancer de l’oeil
https://cancer.ca/fr/cancer-information/cancer-types/eye/treatment/radiation-therapy
Société Canadienne du Cancer : Le cancer de l’œil :
https://cancer.ca/fr/cancer-information/cancer-types/eye/what-is-eye-cancer/cancerous-tumours