Quand le système immunitaire s’attaque aux cellules qui produisent l’insuline dans le pancréas, c’est le diabète de type 1. Il est habituellement traité par injection d’insuline, mais dans son laboratoire de bioingénierie des cellules souches à l’Université McGill, la professeure Corinne Hoesli explore une autre piste, celle de l’organe artificiel produit à partir de cellules souches et vascularisé grâce à l’impression 3D.
Point de départ de cette recherche, le protocole d’Edmonton, ainsi nommé parce que publié par des chercheurs de l’Université d’Alberta. Le protocole consiste à greffer aux patients des îlots de Langerhans, là où se trouvent les cellules qui produisent l’insuline dans le pancréas. Il donne des résultats prometteurs avec une diminution du recours à l’insuline, mais il est peu accessible car il repose sur le don d’organes pour fournir les îlots. Au Québec, moins d'une vingtaine de personnes en ont bénéficié depuis 2000 et comme pour toutes greffes, ces personnes doivent suivre un traitement immunosuppresseur pour éviter le rejet du greffon. Ces transplantations ont lieu au Laboratoire de transplantation d’îlots humains du Centre Universitaire de Santé McGill dirigé par de Dr Steven Paraskevas.
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Une solution au manque de donneurs est de produire des pseudo-îlots de Langerhans à partir de cellules souches, comme le fait notamment Timothy Kieffer à l’Université de Colombie Britannique. Plusieurs groupes de recherche ont pu traiter efficacement des souris diabétiques en leur transplantant ces cellules, et plusieurs essais cliniques sont en cours. Des résultats préliminaires d’une étude menée par la compagnie Vertex incluent plusieurs sites d’essai au Canada. « C'est vraiment l'effervescence dans le domaine. On sait que les cellules souches peuvent être différenciées en pseudo-îlots, peuvent être transplantées dans le foie et réduire la dépendance à l'insuline », résume Corinne Hoesli.
La partie n’est pourtant pas gagnée, car même avec des pseudo-îlots, un traitement immunosuppresseur reste nécessaire. La thérapie comporte aussi des risques à plus long terme, puisque les cellules souches dont ils sont issus pourraient encore proliférer et qu’il est très difficile de les enlever une fois qu’elles sont logées dans le foie.
C’est pourquoi, avec son équipe et des partenaires de recherche, Corinne Hoesli travaille à développer un dispositif de transplantation pour réduire le risque de la greffe en encapsulant les pseudo-îlots dans un hydrogel. L’encapsulation aurait le triple avantage de faire barrière au système immunitaire pour éviter le rejet, de contenir les pseudo-îlots pour empêcher leur dispersion et de faciliter le retrait du dispositif en cas de problème. Pour être plus accessible, le dispositif serait d’ailleurs implanté, non pas dans le foie, mais dans l’abdomen.
Les composantes de ce dispositif se mettent en place.
Déjà, en 2012, Corinne Hoesli publiait une étude montrant qu’il est possible d’encapsuler des cellules productrices d’insuline dans des billes d’alginate et que leur transplantation dans des souris diabétiques permet à la fois de réguler le glucose sanguin et de protéger le greffon d’une attaque immunitaire.
Au cours des cinq dernières années, son équipe a mis à l’échelle la production de pseudo-îlots à partir de cellules souches à McGill. Des protocoles adaptés à la fabrication de qualité clinique sont en développement avec l’aide du Centre d’éducation et de recherche sur les thérapies avancées de McGill (CERTAM) du réseau de Médecine régénérative de McGill (MRM). Des essais de transplantation dans des souris ont débuté en collaboration avec l’équipe de Steven Paraskevas. En combinant ces deux résultats, il devient possible de produire des pseudo-îlots et de les encapsuler dans l’alginate en vue de leur transplantation.
Mais il reste encore un problème à résoudre car les cellules des ilots de Langerhans consomment beaucoup d’oxygène. Il faut donc vasculariser la capsule pour apporter du sang et de l’oxygène à la greffe. C’est là qu’arrive l’impression 3D de sucre pour fabriquer des vaisseaux sanguins artificiels. Le principe est d’imprimer une structure ramifiée en sucre, de la recouvrir d’un mélange de polymère et de sel, puis de dissoudre le sucre et le sel. « Après dissolution, il reste une prothèse poreuses avec des embranchements. On peut faire toutes sortes de géométries pseudo-vasculaires », explique Corinne Hoesli en soulignant la collaboration de Jean Ruel et d’André Bégin-Drolet, professeurs en génie mécanique et industriel à l’Université Laval et celle de Richard Leask, professeur en génie chimique à l’Université McGill. Ces expériences ont été réalisées par les étudiants Jonathan Brassard, Saleth Sidharthan, Yannick Rioux et d’autres . Ce pseudo-vaisseau peut être connecté à un vrai vaisseau sanguin pour y faire circuler le sang et il peut être inséré dans une méga-capsule d’alginate contenant les pseudo-îlots. « Ça fait comme un organe artificiel avec des pseudo-îlots et des vaisseaux sanguins dans un gel », décrit Corinne Hoesli. Les essais in vitro montrent que les pseudo-îlots ainsi encapsulés sont fonctionnels. C’est maintenant au tour du laboratoire de Steven Paraskevas de prendre le relais pour une transplantation du dispositif in vivo, chez le cochon avant de poursuivre chez l’humain.
Pour en savoir plus
Le laboratoire de Corinne Hoesli :www.hoeslilab.com
Le centre provincial de transplantation d'îlots pour les patients atteints de diabète de type 1 : https://cusm.ca/nouvelles-et-histoires/recherche/le-cusm-designe-premier-etablissement-provincial-pour-les-greffes
Le Centre d’éducation et de recherche sur les thérapies avancées de McGill (CERTAM): https://mrm.research.mcgill.ca/fr/certam/
Hoesli, C. A., Kiang, R. L. J., Mocinecová, D., Speck, M., Jochec Mošková, D., Donald-Hague, C., Lacík, I., Kieffer, T. J., & M. Piret J., M. (2012). Reversal of diabetes by βTC3 cells encapsulated in alginate beads generated by emulsion and internal gelation. Journal of Biomedical Materials Research Part B, 2012:100B:1017–1028 https://doi.org/10.1002/jbm.b.32667
Tran, R., Moraes, C., & Hoesli, C. A. (2020). Controlled clustering enhances PDX1 and NKX6.1 expression in pancreatic endoderm cells derived from pluripotent stem cells. Scientific reports, 10, 1190 (2020) https://www.nature.com/articles/s41598-020-57787-0
Kieffer. T. J., Hoesli, C. A., & Shapiro J. A. M. (2024). Advances in Islet Transplantation and the Future of Stem Cell-Derived Islets to Treat Diabetes. Cold Spring Harbor perspectives in medicine, 2024 Jul 29:a041624 DOI: 10.1101/cshperspect.a041624
Brassard, J. A., … & Hoesli, C. A. (2024). Iterative sacrificial 3D printing and polymer casting to create complex vascular grafts and multi-compartment bioartificial organs. Preprint https://doi.org/10.1101/2024.09.29.615298