Fabrication des nanocornes, des sondes (nanocorne + anticorps+ colorant) et détection de l'anticorps par spectroscopie Raman

Un aliment étiqueté « peut contenir des noix » contient-il vraiment des noix? Pour les personnes allergiques, un tel étiquetage est synonyme d’incertitude. Pour l’industrie alimentaire, la difficulté est de quantifier tous les allergènes potentiellement présents sur leurs lignes de production avec des technologies qui ne détectent qu’un allergène à la fois. Des nanocornes de carbone pourraient révolutionner la détection des allergènes et changer la vie des personnes allergiques. 

Les curieux détours d’une idée de recherche

Ce projet de recherche mené par des professeurs du Centre québécois sur les matériaux fonctionnels (CQMF) n’avait initialement aucun rapport avec les allergènes, ni l’alimentation. L’histoire commence dans le laboratoire de Nadi Braidy, professeur au Département de génie chimique et de génie biotechnologique de l’Université de Sherbrooke (UdeS). Son équipe qui étudiait la synthèse de nanostructures de carbone dans un réacteur à plasma obtient des nanocornes. « C’est sphérique avec plein de cornes, comme un oursin », illustre Fanny Casteignau qui a effectué son doctorat sur la synthèse des nanocornes.

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Au détour d'une conversation sur la création du Réseau québécois de microscopie électronique des matériaux, Nadi Braidy parle des nanocornes à Richard Martel. Celui-ci est professeur au Département de chimie de l’Université de Montréal (UdeM) et travaille sur la spectroscopie Raman comme outil d’identification de molécules dans un échantillon. Cette technologie est très précise, mais le signal Raman est très faible. Or l’équipe Martel avait observé que le signal Raman d’un colorant peut être augmenté lorsque le colorant est inséré dans un nanotube de carbone. « Il a tout de suite vu que les nanocornes pouvaient servir d’enveloppe pour amplifier le signal », raconte Nadi Braidy. Des essais préliminaires dans le laboratoire Martel ont permis de confirmer l’hypothèse d’une amplification Raman dans les nanocornes.

Les allergènes vont arriver dans le décor lors d’une autre discussion, entre Marie-Josée Colbert, stagiaire post-doctorale avec un collaborateur de Nadi Braidy, Pr Ryan Gosselin, professeur spécialiste de chimiométrie des procédés à l’UdeS, et Jérémie Théolier, lui-même stagiaire post-doctoral au laboratoire du professeur Samuel Godefroy à l’Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels de l’Université Laval. « On discutait autour d’une bière et je lui disais que les sondes utilisées pour détecter les allergènes ne permettaient pas d’en détecter plusieurs en même temps. Et elle me dit qu’elle connaissait une technologie qui pourrait le faire », rapporte Jérémie Théolier. Le principe serait de greffer l’anticorps sur une nanocorne pour servir de sonde pour détecter un allergène. Chaque sonde aurait son propre colorant inséré dans une nanocorne. Un mélange de cornes-colorants greffées avec différents anticorps permettrait de détecter simultanément plusieurs allergènes. « Chaque colorant a un signal Raman spécifique et en décomposant les signaux, on peut connaitre leur prévalence respective. On pourrait savoir par exemple s’il y a 3 ppm de protéines de crevettes, 4 ppm de protéines de soya, etc. », décrit Jérémie Théolier.

 

De financement en financement

L’idée est élégante, mais il faut commencer par établir une preuve scientifique du concept de sondes. Richard Martel et Nadi Braidy obtiennent un premier financement du CQMF et les étudiantes Charlotte Allard (groupe Martel) et Fanny Casteignau (groupe Braidy), s’attèlent respectivement à la détection du signal Raman et à la synthèse des nanocornes.

Preuve de concept à l’appui, Nadi Braidy et Richard Martel se sont associés à Samuel Godefroy et Ryan Gosselin pour un financement Audace plus consistant, qu’ils obtiennent en 2018. Dans l’équipe, chacun apporte son expertise pour résoudre un volet de la technologie. À l’UdeM, Laurence Saint-Pierre, qui était étudiante à la maitrise en co-supervision avec Suzanne Giasson au Département de chimie de l’UdeM développe un protocole de greffage d’anticorps sur les nanocornes et Charlotte Allard poursuit son travail sur la spectroscopie. À Sherbrooke, Fanny Casteignau optimise la synthèse des nanocornes et Germain Robert Bigras, en stage post-doctoral avec Richard Martel et Ryan Gosselin, décortique les signaux Raman. « Pendant cette période, beaucoup de mesures Raman ont été faites pour comprendre comment les colorants entrent dans les enveloppes et comment faire des sondes reproductibles », décrit Fanny Casteignau. L’équipe parvient à détecter trois allergènes distincts à des niveaux inférieurs que les techniques classiques. « Ça fonctionne du tonnerre », lance Jérémie Théolier.

Malgré ce franc succès, la technologie est encore au stade de développement. Mais l’équipe de recherche vient de décrocher un nouveau financement du programme Alliance Option 2 du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada. L’équipe s’est agrandie considérablement avec la participation de Paul Charrette professeur au Département de génie électrique et de génie informatique de l’UdS, de Santé Canada, l’Agence canadienne d'inspection des aliments, Food Allergy Canada et Coeliaque Québec.

Doté d’une enveloppe de 5 millions de dollars pour une durée de 5 ans, le projet prend un virage important. Coordonnée par Jérémie Théolier, l’équipe devra réaliser un prototype de détecteurs d’allergènes portable pour des essais dans des aliments.

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