Les semi-conducteurs riment habituellement avec silicium. Mais, ils peuvent aussi être organiques et fabriqués par impression 3D. Professeure au Département de chimie à l’Université de Montréal et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en matériaux polymères fonctionnels, Audrey Laventure jette les bases de nouveaux procédés de fabrication de dispositifs électroniques par impression 3D.
On sait que certains polymères organiques ont des propriétés électriques analogues au silicium. Notamment, lorsqu’ils sont sous forme de film mince, « il est reconnu que si les molécules sont bien alignées, il se crée comme des autoroutes pour les porteurs de charge. Ça facilite leur mobilité et donc la performance du polymère comme semi-conducteur », détaille Audrey Laventure, qui est aussi membre du CQMF. Pour aller plus loin, elle se demande si l’impression 3D permettrait de construire une architecture tridimensionnelle qui conserve les propriétés semi-conductrices de ces polymères. Dans son laboratoire, une dizaine d’étudiants et d’étudiantes s’attèle à imprimer des polymères organiques, à en étudier la structure, leur mise en forme pendant l’impression et leurs propriétés.
Le laboratoire dispose d’imprimantes commerciales dites ouvertes, qui permettent d’imprimer divers matériaux et de contrôler les paramètres d’impression comme la vitesse de distribution du matériel ou la température du lit d’impression. Concrètement, le polymère, qui peut être un gel, une solution visqueuse ou sous forme fondue, est inséré dans une seringue. Dans le cas de l’impression en fondu, celle-ci est chauffée pour fondre le polymère et une pression est exercée sur le piston de la seringue pour extruder le polymère. Sous la seringue, un robot contrôle le déplacement de la table où se déposent les couches du polymère pour former une architecture 3D.
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Pendant tout ce processus, le polymère qui s’écoule hors de la seringue, qui se dépose sur la table puis se solidifie subit de multiples forces qui ont le potentiel d’induire l’organisation des molécules dans la structure. « Est-ce qu’il y a une orientation des molécules comme dans un film? Est-ce que cette orientation est conservée lorsque l’objet se solidifie ? Et est-ce que cette orientation améliore ou non les propriétés électriques », questionne Audrey Laventure.
Pour répondre à ces questions, le laboratoire dispose, entre autres, d’un équipement unique au Canada, un rhéomètre couplé à un spectromètre infrarouge. Le rhéomètre permet d’étudier l’écoulement du polymère et la mise en forme de la structure. « On veut savoir si le polymère s’écoule bien, s’il va s’étaler sur la table ou reprendre sa forme initiale », précise Audrey Laventure. Le spectromètre permet d’étudier l’organisation moléculaire et faire des corrélations avec les propriétés électriques.
Dans une démarche collaborative similaire, Audrey Laventure travaille à l’impression 3D d’électrolytes de batterie à base de polymère ou de céramique, un bel exemple de synergie entre groupes de recherche du CQMF. Et ce n’est qu’un début car elle imagine aussi l’impression d’antennes pour les objets connectés. Un jour, peut-être, les dispositifs électroniques ne seront plus des assemblages de diverses composantes fabriquées séparément. Ils seront fabriqués de façon intégrée par impression 3D.
Ce billet est le premier volet d’une série dédiée aux membres du CQMF qui travaillent sur l’impression 3D, un thème de recherche en plein essor au CQMF.