Imaginez un téléphone cellulaire qui se recharge au rythme de vos pouces! Et mieux, si l’écran se brise, il se répare tout seul! C’est le projet de recherche de Twinkal Patel, doctorante dans le Groupe de recherche Oh, à l’Université Concordia.
Dirigé par le professeur John Oh, le Groupe de recherche Oh se spécialise sur l’autoassemblage des nanomatériaux. En outre, en explorant les propriétés chimiques des peintures de voiture à base de polyuréthane, John Oh et Twinkal Patel ont eu l’idée de mettre à profit ces propriétés pour concevoir un écran de téléphone en urée polyencombrée* qui se répare tout seul. En travaillant sur les conditions de synthèse, Twinkal Patel a obtenu un réseau de polymères de PHU dit vitrimère, c’est-à-dire un matériau d’apparence vitreuse mais qui conserve une certaine malléabilité. Par exemple, s’il est déformé, le réseau peut réorganiser ses liaisons pour retrouver sa forme initiale. C’est ce qui le rend autoréparable. De fait, quand Twinkal Patel frotte son polymère avec du papier sablé, 50 % des rayures sont réparées en 30 minutes à température ambiante. Avec un traitement thermique supplémentaire, la réparation est totale.
L’autre bonne idée de Twinkal Patel est d’ajouter à son polymère une couche d’un autre matériau pour produire un effet triboélectrique. Cet effet est celui qui génère de l’électricité statique quand on frotte deux matériaux ensemble. « Si vous frottez un ballon sur vos cheveux, il y a de l’électricité statique qui se forme. C’est ce qui se passe à l’échelle nanoscopique, il se crée une charge électrique sur les deux matériaux », explique Twinkal Patel. L’électricité doit ensuite être transférée à la batterie du téléphone. On ne frottera pas notre téléphone cellulaire sur nos cheveux pour le recharger mais il suffit de contacts rapides répétés entre deux matériaux pour produire l’effet triboélectrique. Des contacts répétés comme ceux de nos pouces sur l’écran!
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Oui, mais si l’écran se brise et se répare, sera-t-il encore capable de produire de l’électricité? L’avantage des vitrimères est justement qu’ils conservent leurs propriétés physiques lors de leur remodelage. Twinkal Patel l’a vérifié. « On a mesuré le voltage. Ensuite, on a passé le papier de verre pour générer des rayures sur l’écran. À cause des rayures, il y avait moins de contacts entre les deux matériaux et on a vu le voltage diminuer. On a laissé le polymère se réparer et le voltage est remonté à son niveau d’origine », décrit-elle.
Twinkal Patel a développé le vitrimère de PHU et en a démontré les propriétés électriques et d’autoréparation, mais il reste à intégrer cet écran révolutionnaire dans un téléphone. Le Groupe de recherche Oh ne fabrique pas de téléphone mais collabore pour ce projet avec des universitaires et des industriels coréens. Twinkal Patel s’apprête donc à partir en Corée pour concrétiser le travail de sa recherche.
*C’est-à-dire, une molécule d’urée modifiée avec plusieurs groupements chimiques volumineux remplaçant de bien plus petits atomes d’hydrogène
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Pour cette recherche, Twinkal Patel bénéficie d’une bourse Concordia Graduate Student Scholarship.
Elle a aussi reçu une bourse Globalink FRQNT-MITACS pour son stage en Corée.
Pour en savoir plus
Twinkal, Patel et al. Self-Healable Reprocessable Triboelectric Nanogenerators Fabricated with Vitrimeric Poly(hindered Urea) Networks, (2020) ACS Nano, 14, 9, 11442–11451 - https://pubs.acs.org/doi/10.1021/acsnano.0c03819
Crédits photo : Pixabay