
Les eaux usées contiennent un trésor : l’ammoniac, un composé chimique dont le marché mondial s’élève à plus de 70 milliards de dollars américains. Un trésor perdu car le procédé de traitement des eaux usées repose sur la nitrification de l’ammoniac pour ensuite transformer le nitrate en azote (N2) relâché dans l’atmosphère. François Perreault et Georgios Kolliopoulos, deux professeurs membres du CQMF, ont entrepris une chasse au trésor internationale en s’alliant avec Polytechnique Montréal et l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P).
Au Département de chimie de l’Université de Montréal, François Perreault se penche sur les procédés de traitement de l’eau et notamment sur la distillation membranaire. C’est un procédé généralement utilisé pour la désalinisation de l’eau de mer et que François Perreault applique aux eaux usées pour en extraire l’ammoniac. « Le principe utilise une membrane hydrophobe pour ne pas laisser passer l’eau, mais poreuse pour laisser passer les composés volatils », explique François Perreault. Dans les eaux usées, l’ammoniac est dissout sous forme d’ion NH4+ et baigne parmi une pléthore de composés. En augmentant le pH, les ions NH4+ prennent la forme NH3 de l’ammoniac, qui étant volatile peut passer à travers la membrane. Un premier défi consiste alors à développer une membrane spécifique à l’ammoniac, ce que François Perreault expérimente en incorporant des nanomatériaux de carbone ou des réseaux métallo-organiques qui adsorbent l’ammoniac. « Je travaille à identifier le bon matériau et sur l’architecture pour savoir où localiser le matériau dans la membrane », précise-t-il.
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De l’autre côté de la membrane, il faut encore capturer l’ammoniac, ce qui peut se faire avec une solution acide qui précipitera l’ammoniac sous forme nitrate d’ammonium et phosphate d’ammonium. Ces sels d’ammonium peuvent ensuite entrer dans la production d’engrais, mais dans l’industrie, c’est généralement l’ammoniac qui est utilisé pour produire des engrais, surtout pour la synthèse de l’urée. Deuxième défi : la solution acide doit donc pouvoir dissoudre la forme NH3 de l’ammoniac.
C’est là que François Perreault est allé au Département de génie des mines, de la métallurgie et des matériaux de l’Université Laval quérir l’expertise de Georgios Kolliopoulos pour développer une solution de capture acide capable de dissoudre l’ammoniac. La solution en question est composée par exemple d’acide acétique et de xylitol et constitue un solvant eutectique profond. Dans un tel solvant, les liaisons hydrogène entre les deux corps s’établissent un peu comme dans la molécule d’eau. « Ça donne un mélange visqueux non aqueux qui a des propriétés de solvant très intéressantes », décrit François Perreault. L’ammoniac peut donc s’y dissoudre sous forme NH3.
À Polytechnique Montréal, le rôle du Centre international de référence sur l’analyse du cycle de vie et la transition durable (CIRAIG) est ensuite d’analyser l’ensemble du procédé sous l’angle des émissions de GES et de le comparer à la production classique d’ammoniac à partir d’hydrogène et d’oxygène, sachant que l’hydrogène est produit à partir d’hydrocarbure. Ce procédé d’extraction de l’ammoniac qui combine la distillation membranaire et un solvant eutectique profond est une première et les professeurs du Québec et du Maroc pourront l’appliquer à des échantillons d’eaux usées des deux pays.
Le projet initié en 2025 bénéficie d’une subvention de 225 000 $ sur 3 ans du programme de collaboration de recherche CRSNT-FRQ.