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Comme disait l'ami Claude : si un fait ne correspond pas à la réalité, changez la réalité.

 

On s’attriste du fait que si vous êtes de droite, vous êtes plus à risque de nier les changements climatiques. Mais si vous êtes de gauche, vous êtes plus à risque de nier l’importance de la vaccination, ce qui n’est guère mieux!

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Ah, nous sommes bien fiers de la grosseur de notre cerveau, qui fait de nous un animal rationnel. N’empêche que l’émotion est une dominatrice à laquelle nous sommes heureux de nous soumettre. Le psychologue américain Jonathan Haidt a une formule plus asexuée pour ça :

 

Nous avons beau penser que nous sommes des scientifiques, nous sommes en fait des avocats.

 

Dans un article récent (The Science of Why We Don’t Believe in Science), le journaliste Chris Mooney ramène un exemple devenu célèbre chez les psychologues : en 1979, on a réuni pour une expérience des militants favorables à la peine de mort et des militants farouchement opposés. On leur a fait lire les descriptions de deux études scientifiques (de fausses études, mais ils l’ignoraient). L’une, dont les conclusions appuyaient l’idée que la peine de mort soit efficace pour réduire le crime; l’autre, qui arrivait à la conclusion contraire. Les « études » étaient accompagnées d’une méthodologie détaillée, afin de convaincre les lecteurs-cobayes de leur sérieux.

Et comme on s’y attendait, les gens ont chaque fois conclu que l’étude correspondant à leur position était « la plus convaincante ».

Les faits? Qui s’en soucie, des faits? Pensez qu’aux États-Unis, une personne sur quatre croit encore que les attentats du 11 septembre 2001 ont été organisés par Saddam Hussein. Et la partie la plus dérangeante de l’article de Mooney est à mes yeux cette citation de l’auteur Seth Mnookin ( The Panic Virus ) selon qui, si vous voulez trouver des militants anti-vaccination, vous n’avez qu’à fréquenter un magasin d’aliments biologiques.

David Ropeik, spécialiste de la perception du risque (beaucoup sollicité depuis Fukushima), renchérit dans une chronique publiée la semaine dernière : Why the facts doesn’t matter.

 

Bien que nous insistions pour affirmer que nos opinions sont basées sur des faits, nous sommes en réalité juste en train de sélectionner les faits pour soutenir les opinions qui s’accorderont avec la vision générale de notre groupe.

 

Les recherches en psychologie sociale, explique-t-il, divisent en quatre groupes nos comportements à tous, et chaque groupe correspond à un type de société que nous privilégions : individualiste (la droite et le Tea Party s’y reconnaîtront), communautarienne, hiérarchiste, égalitarienne.

Mais peu importe le vocabulaire. Il suffit de savoir que ce type de recherche sur la psychologie de nos comportements a (re)décollé depuis 2005, et la vulgarisation scientifique commence à peine à en comprendre l’importance. Justement à cause de la persistance du « débat » sur les changements climatiques : le dossier par excellence où des faits solides entrent en collision avec des croyances solides.

« C’est une guerre qui ne peut pas être gagnée », écrit le psychologue Jonathan Foley, de l’Université du Minnesota. Pour lui, c’est de la naïveté que de croire qu’il suffise, pour ébranler une croyance, de la bombarder de faits. Et peut-être aujourd’hui encore moins qu’hier, alors que nous semblons être entrés dans un âge où la politique est plus polarisée que jamais —tout au moins, sur les questions scientifiques.

Par exemple, saviez-vous qu’aux États-Unis (d’après une enquête de 2008), 31% des républicains qui n’ont pas fait d’études supérieures sont d’accord pour dire que la Terre se réchauffe... mais que ça tombe à 19% chez les républicains qui ont fait des études supérieures? Autrement dit, s’appuyer sur des faits, ça ne s’apprend pas à l’université.

Je pense qu’il y aurait là une grosse leçon à tirer pour le mouvement environnemental. Comment a-t-il pu échouer à ce point? En effet, après avoir cru, il y a à peine quelques années, que le courant passait entre les environnementalistes et les politiciens, comment est-il possible qu’on ait ensuite assisté à l’échec de la conférence de Copenhague sur les changements climatiques, à l’effondrement du projet de loi américain sur le climat et, au Canada, à une campagne électorale où l’environnement n’était même plus un sujet digne d’intérêt pour le débat télévisé des chefs?

Pour Ropeik, Mooney, Mnookin, Haidt, les gens du Kansas et le manuel d’instruction sur les changements climatiques, la réponse est simple. Dialogue. Psychologie S’ajuster à son auditoire. À qui je parle. Dans les mots de Foley :

 

Cessez de taper sur la tête des gens avec la science du climat. Ça ne marche tout simplement pas avec certaines personnes. Dans cet âge de politique identitaire, de polarisation accrue et de guerre des cultures, notre capacité à ignorer les données qui contredisent notre vision du monde (ou nos intérêts personnels) est extraordinaire.

 

C’est pas facile, bien sûr, parce qu’en même temps, nous voulons bien continuer à communiquer la science, écrire, bloguer. Mais si on s’entend pour dire que les environnementalistes ont intérêt à repenser leurs stratégies de communication, on devrait être capable de s'entendre pour dire que les journalistes y auraient intérêt, eux aussi.

+++ La première partie de ce texte est ici

 

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