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Après une heure et quart de descente et de repérage dans l’obscurité la plus complète à l’aide du sonar, j’ai allumé les projecteurs du Nautile. On se trouvait alors à la base de la proue du navire qui est presqu’intacte, contrairement à la poupe qui a littéralement implosé. L’émotion était telle que tout l’équipage est demeuré silencieux pendant de longues minutes, en état de recueillement, toutes nos pensées tournées vers cette nuit du 14 avril 1912.

C’était lui: c’était le Titanic. Depuis sa première plongée au fond de l’Atlantique, en 1987, à la rencontre du navire le plus célèbre du XXe siècle, Paul-Henri Nargeolet (P.H. pour les intimes) y est retourné pas moins de 25 fois, dans le cadre de quatre expéditions (1987, 1993, 1994 et 1996). Et chaque nouvelle descente amène sa moisson d’émerveillement.

« Magnifique et inoubliable épave! » lance ce chef d’expédition à l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER). C’est à bord du Nautile, un petit sous-marin possédant deux bras hydrauliques, semblable à celui qui apparaît dans les toutes premières scènes du film Titanic de James Cameron, qu’il a effectué ces descentes. Et il fallait y mettre le coût: seule une coque de titane (un métal très résistant) d’une dizaine de centimètres d’épaisseur permet au Nautile d’atteindre les 3850 mètres de profondeur où gît l’épave depuis 86 ans.

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A-t-il aimé le film? Et comment. Les images de l’épave, tournées avec un matériel semblable à celui utilisé par le Nautile, et à bord de deux sous-marins du même type que le Nautile, mais russes ceux-là, « sont excellentes et traduisent bien l’impression que l’on éprouve face à ce mastodonte », raconte PH, qui en a pourtant vu d’autres, lui qui a, à son tableau de chasse, des épaves remontant jusqu’à l’époque romaine.

Mais celle du Titanic l’a davantage ému, en raison de sa profondeur (la plus grande qu’il ait jamais explorée), de ses étranges draperies de rouille ainsi que, surtout, du mythe qui entoure ce naufrage.

Un musée sous-marin

Plus de 4000 vestiges ont été renfloués jusqu’à maintenant, allant du dé à coudre jusqu’au coffre-fort (comme dans le film) en passant par un porte-feuille et son contenu.

On s’étonne que ces objets aient pu supporter une aussi longue immersion dans une eau salée quelque peu acide, approchant le point de congélation et à une profondeur où s’exerce une pression 400 fois supérieure à la pression atmosphérique: en effet, les objets ne présentent aucune déformation physique (sauf les bouchons des bouteilles de vin qui sont enfoncés!). Par contre, ils ont tous subi des corrosions chimiques et bactériennes: car des bactéries prolifèrent bel et bien à ces grandes profondeurs, même si on n’y retrouve ni oxygène ni lumière.

Elles constituent d’ailleurs un sujet d’étude passionnant pour les experts, et le microbiologiste canadien Roy Cullimore, qui a participé à l’une des plongées, a prélevé de nombreux échantillons de ces micro-organismes. Ce sont ces bactéries qui représentent la principale menace pour l’épave, car elles en dévorent les parties métalliques. En dégradant le métal, elles produisent des sulfures qui se déposent à la surface des objets et forment d’étranges concrétions qui drapent la carcasse du navire.

Autre phénomène étonnant, les matériaux d’origine organique, tels que les cuirs, les papiers,  les vêtements, de même que les cosmétiques comme les savons, les poudres et les crèmes, se sont relativement bien conservés. Quoique très affaiblis: en gonflant les cellules composant ces matériaux, l’eau a disloqué leur structure interne. Mais ils sont toujours là, au contraire des meubles, escaliers et autres objets ornementaux en bois, qui n’ont carrément pas survécu. Seules deux clarinettes en ébène, un bois très dur, ont assez bien résisté. Après 86 ans sous l’Atlantique, ceux qui les ont taillées en seraient sûrement fiers…

 

- Pauline Gravel

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