Décrite depuis des millénaires par les médecins et les auteurs, l’épilepsie reste pourtant mal connue. Entre fascination et répulsion, ce mal neurologique figure parmi les plus répandus. Il a donné lieu, à travers les âges, à plusieurs légendes et à des dénominations parfois surprenantes.

Pour les Grecs, c’était une maladie sacrée. Pour le dramaturge latin Plaute (IIIe siècle avant J.C.) c’était " le mal que l'on guérit en crachant dessus ". Pour les autres, cette maladie qui frappa des personnages célèbres comme Jules César, Hercule, Flaubert et Dostoïevski, a été associée à la prédiction de l'avenir, ou plus largement au surnaturel et aux dieux.

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Mais ce qui s’est avéré prédominant, ce sont les " légendes noires ", selon l’expression des auteurs d’un petit livre intitulé Épilepsie, connaissance du cerveau et société, qui vient de paraître. Superstitions, peur de la contagion –pas microbienne mais démoniaque– et stigmatisation : les malades sont même longtemps accusés d'être les porteurs d’une faute.

Le livre ne se contente pas de faire un rappel historique, il porte un regard médical sur la maladie. Par exemple, " il faut savoir que l'épilepsie de l'enfant est une maladie différente que celle de l'adulte. Chez les petits, il existe plusieurs épilepsies se modifiant avec l'âge. "

Cette maladie permet de plus de mieux connaître le fonctionnement du cerveau normal. " Ce dernier fonctionne, tout comme une voiture, avec un accélérateur et un frein... Le cerveau se construit avec les deux systèmes en même temps qui se "surveillent" en permanence. " Lorsque la maturation cérébrale ne se passe pas bien, des crises d'épilepsie surviennent. Elles correspondent à des décharges que l'on nomme plus communément " décharges électriques ". Le cerveau d'un enfant, avec son débit de sang élevé, présente une plus grande " hyperexcitabilité ". C'est pourquoi les crises seront plus nombreuses. Leur fréquence entraînera des lésions cérébrales, terrain propice à d'autres crises. La complexité de cette maladie rend difficile son traitement. Surtout chez les enfants.

Selon un sondage SOFRES cité par les auteurs du livre, l’ignorance de la maladie demeure : même si 77% des Français font une bonne description de certains symptômes, seulement 9% ont donné les causes de la maladie, et seulement 3% une bonne définition. ( www.tns-sofres.com/etudes/pol/101100_epilepsie_n.htm ).

Cet ouvrage, placé sous la direction du philosophe et éthicien Jean-Paul Amann, des neuropédiatres Catherine Chiron et Olivier Dulac, et de la psychiatre Anne Fagot-Largeault, est le fruit d'un colloque organisé au Collège de France. Il propose une approche multidisciplinaire (historique, sociologique, médicale, etc.), chaque spécialiste apportant son éclairage, son expérience et ses pistes de réflexion.

Une des choses intéressantes de cet ouvrage vient de la volonté des auteurs de sortir de leur corpus de spécialistes et d’avoir partagé la parole avec les patients et leurs parents. Ainsi, l'une d’elles, l'auteure de Une cicatrice dans la tête (Plon, Paris, 2000) nous confie le quotidien d'une épileptique. Valérie Pineau-Valencienne y va aussi d'un conseil aux parents sur l'importance pour l'épileptique de bien connaître son corps et, par exemple, de s'exprimer à travers la danse ou le yoga. " L'épilepsie n'est pas seulement une maladie du cerveau, c'est une maladie du corps. " Un détail parmi d’autres qui pourrait contribuer à briser le rejet, l’indifférence ou –la racine du mal– l’ignorance auxquels font face les épileptiques.

Jean-Paul Amann et al., Épilepsie, connaissance du cerveau et société, collection Bioéthique critique, Les Presses de l'Université Laval, 138 pages, 2006.

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