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Dans le sud-ouest des États-Unis, un gigantesque lac-réservoir est à son niveau le plus bas en 54 ans. Une situation climatique moins grave qu’au Pakistan, mais annonciatrice de futures tensions... et révélatrice de nos erreurs passées.

On dit du lac Mead qu’il est un « réservoir », parce qu’il est le résultat de la construction, dans les années 1920-1930, du barrage Hoover, sur la rivière Colorado : ce fut à l’époque, le plus grand barrage du monde, et un monument de l’ingéniosité humaine, cité en exemple dans toutes les universités.

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Mais aujourd’hui, un grand cerne blanc tout autour du lac Mead, qui marque combien le niveau de l’eau a baissé, est également en voie de devenir un symbole de la puissance de la nature face à ces humains qui pensaient l’avoir conquis.

Le réservoir alimente en eau 30 millions de personnes, incluant Las Vegas, les métropoles de l’Arizona, du Nouveau-Mexique et du Colorado, et une partie de la Californie et du Mexique.

Le niveau de l’eau dans le lac Mead est tombé en août à 1087 pieds (331 mètres) au-dessus du niveau de la mer, ou seulement 40% de sa capacité. C’est son niveau le plus bas depuis 1956, et il devrait perdre encore 9 pieds d’ici la fin de l’année. S’il devait atteindre les 1075 pieds —ce qui ne s’est jamais produit depuis la construction du barrage— une entente entre sept États américains et le Mexique prévoit qu’il faudra commencer à rationner l’eau.

La cause première est une sécheresse prolongée : il y a maintenant 11 ans que les précipitations dans tout le bassin du Colorado sont inférieures à la moyenne. Par une gestion plus serrée des réserves du lac Mead et d’un second réservoir, le lac Powell, les autorités sont parvenues à retarder l’échéance des 1075 pieds. Et elles espèrent être sauvées par un hiver plus humide, qui amènerait davantage de neige sur les sommets du Colorado. S'il y a plus de neige, le niveau de la rivière monte au printemps, puis le niveau du réservoir. Tout ce qu’il nous faut, « c’est du temps », explique au Arizona Republic le directeur du Projet Arizona Central, qui gère les canaux apportant l’eau de la rivière Colorado jusqu’aux grandes villes de Phoenix et Tucson.

L’illusion d’une eau illimitée

Mais à long terme, le problème pourrait être plus grave. Dans un article intitulé « Les fausses promesses du barrage Hoover », l’auteur Michael Hiltzik écrivait en juillet :

[ Cette sécheresse d’une décennie ] nous rappelle combien les promesses du barrage Hoover étaient irréalistes. Les délégués des sept États qui se rencontrèrent en 1922 (...) furent amenés à croire que la rivière, une fois contrôlée, fournirait toute l’eau dont leurs États pourraient jamais avoir besoin pour réaliser leurs rêves d’irrigation, de développement industriel et de croissance urbaine.

Le barrage Hoover, dit-il « a construit l’Ouest » américain. Mais il l’a aussi « emprisonné dans la camisole de force d’un appauvrissement progressif de l’eau ».

La promesse d’une eau et d’une énergie abondantes ont encouragé les fermiers à planter les cultures les plus assoiffées; et il a donné aux urbains l’impression que nous pouvons arroser nos pelouses chaque jour sans nous inquiéter des gaspillages et des fuites.

Les tensions pourraient s’étendre jusqu’au Canada : c’est en prenant conscience que leur rivière Colorado ne pourra pas répondre indéfiniment à une demande croissante que plusieurs Américains imaginent depuis 20 ans d’ambitieux plans pour détourner l’eau des Grands lacs vers le sud.

Dans l'immédiat, si la baisse prévue cette année se poursuit, le niveau de l’eau pourrait atteindre en octobre son niveau le plus bas depuis 1937 —deux ans après l’inauguration du barrage. Et l’année 2010 est, dans le Pacifique, une année El Nina, laquelle entraîne traditionnellement un climat plus chaud et plus sec à l’intérieur des terres.

[ Ajout, 18 octobre ] Le niveau de l'eau dans le lac Mead continue de baisser comme prévu, et a atteint aujourd'hui 1083,09 pieds, un record de 75 ans. ]

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