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Un an après la catastrophe de la centrale nucléaire de Fukushima —le 11 mars 2011— on commence à compter les morts. Et les radiations ne seront pas responsables.

Des résultats préliminaires présentés par des chercheurs américains dans un congrès à Washington la semaine dernière suggèrent qu’on pourrait dangereusement sous-estimer les impacts des traumatismes psychologiques, pendant qu’on concentre toute l’attention sur des radiations «trop faibles» pour avoir un impact mesurable sur la santé.

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Ainsi, sur les 10 000 personnes exposées aux nuages radioactifs, seulement 73 ont reçu des doses supérieures à 10 millièmes de sieverts —ce qui signifie l’équivalent de cinq fois ce que la majorité d’entre nous reçoit dans une année normale. Pour ces 73, c’est à la fois beaucoup et peu: les passagers d’un vol New York-Tokyo passant par le pôle nord en reçoivent autant.

Autre base de comparaison: après la catastrophe de Tchernobyl, en 1986, jusqu’à un demi-million de travailleurs affectés à «l’enfouissement» du réacteur nucléaire ont été exposés à des radiations en moyenne de plus de 100 millièmes de sievert (sur les sieverts, voir ce graphique)

À ce niveau, les calculs révèlent que le taux de cancer dans la région de Fukushima augmentera de 0,002%, ce qui est trop peu pour pouvoir le distinguer des autres causes de cancers.

Le tremblement de terre et le tsunami de l’an dernier, eux, ont tué près de 16 000 personnes au Japon.

Le vrai désastre: les communications

Parallèlement, un rapport intitulé Rebuild Japan , une enquête indépendante menée par des chercheurs japonais sur les événements de l’an dernier, arrive à des constats similaires: le vrai désastre, disent-ils, ce fut le manque de communication.

La crise naissante à la centrale était complexe et, pour empirer les choses, elle fut exacerbée par les problèmes de communication entre le gouvernement et l’industrie nucléaire.

Ce détail a manifestement échappé aux premiers lecteurs de Rebuild Japan, qui ont plutôt choisi des manchettes telles que Le Japon a pensé évacuer Tokyo pendant la crise nucléaire. Alors que l’évacuation de Tokyo ne fut qu’une crainte soulevée à un moment donné par un chef de cabinet. D’un point de vue scientifique, jamais les risques d’irradiation n’ont atteint ce niveau.

«En termes d’impact sur la santé, les radiations sont négligeables», affirme au Scientific American Richard Garfield de l’Université Columbia à New York. «Les radiations causeront très peu, pratiquement pas de morts.» Une des raisons est que si on compare à Tchernobyl, la fuite de radiations a été de loin inférieure, et caractérisée en majorité par de l’iode-131, dont la demi-vie est de 8 jours: cela veut dire que 8 jours plus tard, le 18 mars, la moitié de la radioactivité attribuée à l’iode-131 s’était dissipée; avant la fin-mars, les trois quarts.

Certes, c’est aussi à l’iode-131 qu’on doit les cancers de la glande thyroïde —6000 cas autour de Tchernobyl. Mais parce que le gouvernement japonais s’est lancé dès les premiers jours dans une distribution massive de pastilles d’iode pour les enfants, ces cancers pourraient ne pas être un problème à Fukushima comme ils l’ont été à Tchernobyl. Comme police d’assurance, les autorités ont lancé un programme de suivi de 360 000 enfants de la préfecture de Fukushima, dans le but de détecter d’éventuels impacts à long terme.

Impacts sur la santé mentale

Ceci dit, ce sont «les impacts indirects» qui vont tôt ou tard apparaître sur les écrans radars. Le fait d’avoir été évacué de son chez-soi pendant des mois, sans savoir s’il serait possible de revenir, a été un indéniable facteur de stress.

L’incertitude sur les niveaux de radiations dans le sol et la nourriture, en dépit des déclarations rassurantes des autorités, amplifie le stress, et le stress se traduit, statistiquement, par davantage de dépressions et de problèmes cardiaques. Beaucoup de gens âgés sont coupés de leurs médecins habituels, en plus d’avoir perdu des proches. Ils se nourrissent moins bien, font moins d’exercice et souffrent d’insomnies. «La santé mentale est le problème le plus important» résume au Scientific American le gérontologue Seiji Yasumura, du département de santé publique de l’Université médicale de Fukushima.

Pour les experts, ce n’est pas une totale surprise: dans un rapport publié en 2006, à l’occasion des 20 ans de la catastrophe de Tchernobyl, l’Agence internationale de l’énergie faisait déjà le constat que la santé mentale était un problème sous-estimé :

Les populations dans les zones affectées présentent une attitude très pessimiste à l’égard de leur santé et de leur bien-être et un très fort sentiment de ne pas avoir de contrôle sur leur propre vie.

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