Deux degrés Celsius par rapport aux températures de l’ère préindustrielle : tel était l’objectif solennellement annoncé à Paris, tout en prévenant qu’il faudrait faire mieux que ce qui avait alors été annoncé. Or, deux ans plus tard, l’avertissement se confirme : selon ce qu’a annoncé mardi le Programme des Nations Unies pour l’environnement, les émissions de gaz à effet de serre sont actuellement supérieures de 30 % à ce qu’elles devraient être, si on voulait que la cible de réduction pour 2030 reste davantage qu’un vœu pieux.
Records de CO2
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Cette nouvelle, relayée par les médias d’un peu partout dans le monde, sort par ailleurs la même semaine qu’une autre nouvelle, beaucoup plus discrète celle-là : en 2016, la progression du CO2 dans l’atmosphère a été de 0,8 %, ce qui en fait la plus forte progression depuis que de telles mesures sont prises. L’estimation provient du dernier bulletin de l’Organisation météorologique mondiale, une autre agence des Nations Unies. Avec un peu de perspective historique, ce n’est guère plus encourageant : au cours des 70 dernières années, la progression du CO2 dans l’atmosphère a été 100 fois plus rapide qu’au cours de la quasi-totalité des périodes similaires des 20 000 dernières années.
Ce taux de CO2 est calculé en partie par million (PPM) : à la fin de l’ère glaciaire, il y a 10 000 ans, il était d’un peu plus de 260 PPM ; en 1960, il atteignait les 320 PPM, ce qui représentait déjà un seuil jamais atteint en 800 000 ans ; en 2016, il était de 403 PPM, un record de 3 millions d’années. Et ça continue de grimper. Les chiffres récents représentent la moyenne des mesures prises dans 120 endroits à travers le monde.
Si la hausse des températures a des impacts bien à elle, dont les canicules extrêmes qui provoquent à leur tour maladies et décès, la hausse du taux de CO2 a aussi ses propres impacts : en particulier, l’acidification des océans, qui fragilise toutes les espèces marines dotées de coquilles ou de carapaces. Et le problème risque de s’amplifier si, comme on le soupçonne, les forêts tropicales commencent à ne plus être capables d’absorber les surplus de carbone que nous expédions dans l’atmosphère.
Des morts par millions
Or, comme si ça ne suffisait pas, un groupe international d’experts a aussi publié lundi, sous la forme d’une nouvelle publication spéciale de la revue médicale The Lancet, une estimation de l’impact sur les maladies, les décès et la santé en général. On y parle notamment de la production alimentaire : pour chaque degré Celsius d’augmentation, écrivent les auteurs, il faut s’attendre à une réduction de 6 % de la production mondiale de blé, et de 10 % de celle de riz — les deux principales sources de nourriture pour une bonne partie des habitants la planète.
Par ailleurs, lit-on également dans ce rapport, si la tendance se maintient, c’est jusqu’à un milliard d’humains qui, en 2050, seront exposés à des canicules sévères — contre 175 millions en 2015, ce qui avait constitué un record. Pour ceux qui voudraient plutôt évaluer cet impact en termes économiques, le document contient des estimations du nombre d’heures de travail perdues par année, attribuables à une hausse de la température. Et c’est sans compter les maladies et décès causés par l’inévitable avancée de maladies infectieuses jusque-là réservées aux Tropiques. Enfin, on lit que l’exposition à des seuils dangereux de pollution a augmenté de 11 % depuis 1990. On évalue le nombre de morts « évitables » — c’est-à-dire si les seuils de pollution acceptables pour la santé étaient respectés — à plus de 4 millions par an.
C’est The Lancet qui avait pris l’initiative de créer un groupe international chargé, pour la première fois, de tenter de mettre des chiffres sur les liens entre changements climatiques et santé, à partir d’une revue de ce qui existe déjà dans la littérature scientifique. Ce rapport est le premier de ce qui est censé devenir une publication annuelle.
En décembre 2015, l’Accord de Paris avait été approuvé par tous les pays du monde sauf deux, la Syrie et le Nicaragua. Les cibles de réduction des gaz à effet de serre de tous les pays signataires sont volontaires, ce qui signifie qu’il n’existe aucun mécanisme punitif contre un État qui ne se conformerait pas à ses engagements. Le Nicaragua, qui jugeait pour cette raison l’Accord trop timide, avait alors refusé de l’approuver, mais a annoncé le mois dernier qu’il allait s’y joindre. Comme le président Trump a annoncé entretemps qu’il quitterait l’Accord de Paris, la Syrie et les États-Unis sont donc à présent les deux seuls États parias de la planète.