Onze organismes subventionnaires majeurs dans autant de pays européens, dont la France et la Grande-Bretagne, ont dévoilé ce plan mardi. Il s’inscrit dans une volonté mise de l’avant depuis plusieurs années par certains de ces organismes : que toute la recherche financée par les fonds publics de leur pays soit, une fois publiée, en « accès libre » pour tous, plutôt que réservée aux seuls abonnés d’une revue. La différence avec ce « plan S » c’est d’une part la volonté de le mettre en œuvre rapidement — en 2020 — et d’autre part, qu’il s’agisse d’une volonté commune affichée par un aussi grand nombre de pays.
« Aucune science ne devrait être enfermée derrière des murs payants », lit-on dans le texte d’introduction. Une déclaration qui, il y a 20 ans, était réservée à des organismes militants pour ce qu’on appelait la « science ouverte » (open science) ou « l’accès libre à la recherche », mais qui a lentement fait son chemin, depuis les années 2000, au sein des organismes subventionnaires publics et des universités. Trop lentement toutefois, au goût des auteurs de la nouvelle politique. Le gros obstacle : les revues scientifiques, pour qui les abonnements de dizaines de milliers d’universités et de bibliothèques constituent encore un pactole.
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Elles ont d’ailleurs réagi prudemment : un porte-parole de leur association (International Association of Scientific, Technical and Medical Publishers), qui représente 145 éditeurs, a déclaré à un journaliste de la revue Nature que l’association était favorable à « l’expansion de l’accès », mais que certaines parties du plan « nécessitaient d’être prises en considération » afin d’éviter « toute limitation à la liberté académique ». Ce plan « menace l’ensemble du système de publication de la recherche », a répondu à un journaliste de la revue Science un porte-parole de l’éditeur Springer Nature, qui publie plus de 3000 revues.
Par ailleurs, certains pays européens n’ont pas encore adhéré à ce « plan S » dont, au premier plan, l’Allemagne.
Selon une analyse parue en décembre 2017, seulement 15 % des revues scientifiques publieraient immédiatement leurs textes en accès libre. Un tiers, dont certaines des plus prestigieuses, sont encore derrière un mur payant, bien que certaines « libèrent » leurs textes après un délai de six mois — se soumettant ainsi aux normes édictées dans la dernière décennie par d’influents bailleurs de fonds, comme le National Institutes of Health des États-Unis. Et les autres sont des « hybrides », c’est-à-dire qu’ils libèrent immédiatement certains textes et réservent la plupart aux abonnés, indéfiniment. Ce sont ceux-là qui subiraient le plus fort impact de la nouvelle politique, puisque l’accès réservé n’existerait plus, sauf durant une période de transition que les promoteurs du plan veulent « la plus courte possible ».
Ajout 13 novembre: plus de 950 chercheurs ont signé une lettre signifiant leur opposition au Plan S. Ils y voient un risque que les scientifiques se voient interdits de publier dans 80% des revues, dont les plus influentes. Entrevue avec l'une des signataires dans Nature.