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Comment éradiquer une maladie infectieuse transmise par un moustique ? En théorie, tuer tous les moustiques. Mais c’est une stratégie qui peut être longue et tortueuse. À moins d’être capable de jouer au cœur même de leurs génomes : une solution qui comporte tant d’incertitudes que 168 pays avaient à l’ordre du jour cette semaine la possibilité d’imposer un moratoire.

L’idée n’est pas seulement d’insérer un gène qui empêcherait le moustique de transmettre la malaria ou la dengue, puis d’espérer que ce moustique transmettra ce gène à ses descendants. L’idée est de « forcer » la nature, en faisant en sorte que ce gène se transmettra inévitablement aux descendants — d’où l’expression « forçage génétique » en français (gene drive en anglais).

Sauf que cette « prouesse », rendue possible par la nouvelle technologie CRISPR, en inquiète plus d’un. Qu’arrive-t-il si, à ce gène, se greffe à un moment donné une mutation néfaste ? Se répandra-t-elle aussi chez tous les descendants ? Le gène pourrait-il se loger chez une autre espèce ? Sans oublier la question qui se posait déjà avant CRISPR : si on éradique un moustique, quelles conséquences cela aura-t-il sur le reste de l’écosystème ?

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Ces questions sont au cœur d’une des décisions que doivent prendre les représentants des 168 pays signataires de la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique, réunis toute la semaine en Égypte, pour leur rencontre annuelle. C’est en vertu de cette Convention qu’il existe déjà des limites internationales sur les organismes génétiquement modifiés, ou OGM, établies dans le cadre du Protocole de Carthagène sur la biosécurité, signé en 2000.

Cette fois par contre, les chances d’un moratoire sont jugées minces, parce que ce genre de décision doit être prise à l’unanimité. Et parce qu’une demande similaire avait été rejetée il y a deux ans. Tout au plus les opposants, parmi lesquels une centaine de scientifiques qui ont publié la semaine dernière une lettre en ce sens, espèrent-ils arracher aux pays réunis des prises de position enjoignant la prudence — quitte à ce que seulement certains pays s’engagent à interdire la technologie sur leur territoire. La Société royale de Londres a également demandé un moratoire ce mois-ci.

 

Ajout 30 novembre: les représentants des pays réunis ont, comme prévu, rejeté l'idée d'un moratoire, se contentant d'un ajout à la Convention par lequel les pays s'engagent à évaluer les risques au cas par cas.

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