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L’annonce en novembre 2018 de la naissance de deux premiers bébés « génétiquement modifiés » signifie-t-elle qu’on doit s’attendre à beaucoup d’annonces du genre en 2019 ? Peu probable.

D’abord parce que personne dans la communauté scientifique ne peut encore garantir que ces deux soeurs jumelles nées en Chine ont vraiment eu un de leurs gènes modifiés avant leur naissance. Le chercheur principal, He Jiankui, n’a encore rien publié pour valider son « exploit » et sa présentation lors du Sommet international sur l’édition de gènes, le 28 novembre, a choqué plusieurs experts, en plus d’en laisser d'autres perplexes : en supposant qu’il ait vraiment tenté d’altérer un gène pour rendre ces fillettes immunisées au sida, il ne semble même pas certain qu’il ait réussi.

Ensuite parce que l’émoi a été tel que plusieurs chercheurs vont y penser à deux fois avant de tenter une telle expérience. Aux dernières nouvelles, He Jiankui était en résidence surveillée, ayant embarrassé tout à la fois son université et son gouvernement.

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D’aucuns ont comparé avec la naissance en 1978 de Louise Brown, le premier « bébé éprouvette » — c’est-à-dire le premier bébé dont la conception s’était faite à l’extérieur de l’utérus, ce qu’on appelle aujourd’hui une fertilisation in vitro (FIV). Dès l’année suivante, d’autres naissances semblables avaient lieu et 40 ans plus tard, on en compte plus de huit millions. Sauf que la comparaison a ses limites : avant même la naissance de Louise Brown, rappelait le New Scientist le mois dernier, plus de 5000 couples figuraient déjà sur les listes d’attente pour subir une FIV — une procédure qui avait alors été dûment testée sur des animaux et qui avait passé l’étape des réflexions éthiques dans la communauté médicale. Alors qu’avec la technologie CRISPR et l’altération de gènes d’embryons humains, on est loin de toute réflexion éthique sur ce qui serait acceptable. Tout au plus existe-t-il ici et là, depuis longtemps, des règles interdisant clairement la manipulation de gènes humains — les 29 pays d’Europe ont par exemple signé en 1997 la Convention d’Oviedo, qui fait de l’altération de gènes transmissibles aux descendants une « violation des droits humains ».

À surveiller en 2019 : la direction que prendront donc les réflexions éthiques, morales et surtout juridiques sur CRISPR et sur les manipulations génétiques. 2018 leur a donné, plus tôt que les penseurs ne l’auraient cru, de la matière sur laquelle méditer.

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