Le variant apparu à Manaus, au Brésil, n’est pas seulement plus transmissible, comme ses cousins britannique et sud-africain. On le soupçonne d’être capable de réinfecter des gens qui avaient déjà eu le virus l’an dernier. Et ce, dans un pays dont le président a longtemps retardé l’achat de vaccins, refusé le confinement, et se moque encore du port du masque.
La seconde vague continue de frapper le Brésil: en date du 11 mars, le taux d’occupation des soins intensifs dépassait les 80% dans 22 des 26 États du pays. À Rio et à Sao Paulo, on parlait même de 90%. Le Brésil a battu ses propres records de décès par jour à au moinsi trois reprises depuis le début du mois.
En réaction, des gouverneurs d’États et des maires ont réinstauré des mesures de confinement ou des couvre-feux. Une décision qu’a critiquée le président Bolsonaro le 4 mars, demandant aux autorités locales « d’arrêter de se plaindre ».
Abonnez-vous à notre infolettre!
Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!
Manaus est pour sa part au centre de l’attention de beaucoup de scientifiques du reste du monde. On avait cru l’an dernier qu’après une première vague désastreuse, cette ville de l’Amazonie avait atteint une forme d’immunité collective. De toute évidence, il n’en est rien. Mais la force de la deuxième vague oblige à considérer une autre hypothèse: la réinfection. Deux recherches préliminaires publiées depuis le début du mois suggèrent que des patients qui avaient déjà eu le virus l’an dernier, et qui seraient donc censé être protégés par leurs anticorps, auraient été réinfectés. On n’a officiellement identifié que trois cas, mais les médecins craignent qu’il y en ait déjà beaucoup d’autres, vu la vitesse à laquelle le variant, baptisé P.1, se répand.
Cela voudrait donc dire que les anticorps développés à la suite de la première infection ne reconnaîtraient pas le P.1., ou du moins, ne le reconnaîtraient pas toujours. En d’autres termes, ils le neutraliseraient à un plus faible niveau, selon une étude publiée le 8 mars —mais une étude qui ne porte que sur des cellules testées en laboratoire.
Ce qui pose du coup la question du vaccin: est-il efficace contre le P.1 ? L’est-il au moins pendant une durée de temps limitée? Les avis sont pour l’instant contradictoires parce que les données sont trop maigres. Et on commence même à évoquer l’existence d’autres variants locaux.
Selon l’équipe de chercheurs brésiliens qui a estimé au début du mois que le taux d’infection du P.1 était de 1,4 à 2,2 fois plus élevé, au moins une personne sur quatre déjà infectée serait susceptible de pouvoir être réinfectée, si elle était en contact avec le variant quelques mois plus tard. Là encore, il s’agit de données préliminaires, à considérer avec prudence.
Mais ces questions se posent dans un contexte où, Bolsonaro oblige, il n’existe pas de stratégie nationale pour contenir le virus. Le président, de plus, a notoirement félicité des groupes qui avaient défié les mesures sanitaires. Enfin, la vaccination y progresse très lentement, en partie parce que le président avait d’abord refusé d’acheter des vaccins de Pfizer et de Moderna, leur préférant leur concurrent chinois, et en partie en raison de cette absence de stratégie nationale. La semaine dernière toutefois, Bolsonaro est apparu à un événement en portant un masque, pour la première fois depuis plus d’un mois.
En date du 15 mars, le Brésil comptait officiellement 278 000 décès attribués à la COVID, le deuxième total le plus élevé au monde, derrière les États-Unis.
« Ce n’est plus juste à propos du Brésil », alertait la semaine dernière le directeur de l’Organisation mondiale de la santé, Tedros Adhanom Ghebreyesus. Il évoquait le risque de voir l’épidémie s’étendre à travers le reste de l’Amérique latine, « et même au-delà ».
Crédits image : © Imagetico | Dreamstime.com