Jeunes et écrans

Le risque de croire à une théorie du complot est-il plus grand sur certains réseaux sociaux ? C’est la question à laquelle a tenté de répondre une équipe de chercheurs à partir d’utilisateurs de 17 pays.

Et leur réponse est que le risque serait moins élevé sur Twitter que sur Facebook ou YouTube.

Si le rôle des réseaux sociaux comme facilitateurs de la propagation des fausses nouvelles ne fait plus de doute, les études scientifiques jusqu’ici ont souvent eu le défaut de cibler « les réseaux sociaux » dans leur ensemble: par exemple, en comparant les habitudes et comportements de gens qui les utilisent comme principale source d’information, avec les habitudes de ceux qui utilisent les médias traditionnels. Certains chercheurs, à l’inverse, ont ciblé une seule plateforme: par exemple, ces études qui ont analysé plusieurs dizaines de milliers de messages, mais uniquement sur Facebook ou sur Twitter.

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La particularité de l’étude dont il est question ici est donc d’avoir tenté de comparer cinq plateformes (Messenger, WhatsApp, YouTube, Twitter et Facebook). La théorie de la vingtaine de chercheurs européens était que « des variations entre différentes particularités-clefs rendent certaines plateformes plus propices à la dissémination de croyances complotistes ». Et ces distinctions apparaîtraient clairement, peu importe le pays où on se trouve.

À titre d’exemple, la façon dont des réseaux d’usagers se construisent sur Facebook est qualifiée d’asymétrique, et de symétrique sur Twitter. Concrètement, c’est un rappel du fait que les connexions sur Facebook se construisent entre amis et gens qui partagent des affinités, alors que sur Twitter, ces réseaux se construisent davantage autour de politiciens, de vedettes ou de journalistes. Dans ce dernier cas, écrivent les chercheurs, « de tels réseaux sont souvent fragmentés et handicapent la circulation efficace d’information » sur des sujets-clefs. Mais ce qui est le désavantage de Twitter devient un avantage pour la circulation d'une info plus fiable, parce que la désinformation a davantage de chances de se propager lorsqu'elle est partagée par nos amis.

Au final, Twitter serait la seule des cinq plateformes à avoir un effet « négatif » sur la croyance en des théories du complot —ce qui veut dire qu’elle contribuerait même à diminuer légèrement l’adhésion, tandis que les autres contribuent « positivement », avec YouTube légèrement en tête du peloton. La « note » a été attribuée à chaque répondant sur la base de ses réponses aux questions (jugez-vous que telle affirmation est fausse, plutôt fausse, etc.). S’il est difficile de transformer ces calculs en individus (combien d’usagers de YouTube, par exemple, auraient vu leurs attitudes être changées), la robustesse de l’impact se confirme dans les 17 pays.

L'échantillon était composé de 28 000 personnes qui, dans 16 pays européens en plus d’Israël, ont répondu à une première enquête en décembre 2019, et de 14 000 qui ont répondu à une deuxième, en mai 2020. L’arrivée de la COVID-19 entretemps a fourni l’opportunité de tester des théories du complot entourant la COVID.

D’autres variables entrent peut-être en ligne de compte, soulignent les chercheurs dans la revue New Media & Society: par exemple, la qualité de la « modération » que font les plateformes —le fait de retirer ou non un contenu douteux, voire haineux— mériterait d’être mesurée. Et il est certain que le fait d’adhérer à une théorie du complot naît de facteurs psychologiques ou sociologiques qui étaient présents avant que la personne ne se soit ouvert un compte sur une plateforme. Mais les chercheurs voient dans leurs données un avertissement pour de futures recherches: « toutes les plateformes de médias sociaux ne devraient pas » être analysées de la même façon ni traitées sur le même pied.

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