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Ce qui est versé sur nos routes se retrouve dans nos lacs et nos rivières. Riche de ses plans d’eau, le Québec gagnerait donc à les protéger de la pollution par le sel: de récentes études en appellent même à durcir les normes gouvernementales pour que les déversements des sels de voirie, les pratiques agricoles ou encore l’exploitation des terres, soient mieux encadrés.

« Nous constatons de plus en plus cette grande perturbation par le sel », relève la professeure titulaire et directrice du Groupe de recherche interuniversitaire en limnologie (GRIL) de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Beatrix Beisner.

La salinité des écosystèmes des eaux douces a augmenté tout autour de la planète, concluait en février une étude internationale menée au sein de 16 lacs du Canada, des États-Unis, de Suède et d’Allemagne.

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Sur des sites contrôlés, les échantillons d’eau des lacs recevaient différentes concentrations de sels afin d’étudier le comportement du plancton et du zooplancton —source alimentaire microscopique des poissons. Ces expériences montrent que cette pollution par le sel fait reculer le zooplancton et favorise le phytoplancton (les algues bleues et vertes).

« On expose toute une communauté aux sels avec des conséquences sur l’abondance et la diversité des espèces, que ce soient les microorganismes ou les poissons. Ce qu’on oublie, c’est que cela a aussi des conséquences sur les humains », rappelle Beatrix Beisner.

Ce fléau s’étend à l’échelle de la planète. L’importante mortalité du zooplancton se produit ici à des seuils de salinité peu élevés : 120 milligrammes de chlorure de sodium par litre d’eau au Canada, contre 230 milligrammes par litre d’eau aux États-Unis. En Europe, les seuils sont généralement plus élevés encore, mais les chercheurs constatent que la mortalité se répète partout.

La chercheure recommande dans tous les cas de conserver un taux de salinité sous les 10 milligrammes par litre d’eau, ce que l’on trouve normalement dans l’eau douce. « Si on surpasse, ça a des effets sur l’ensemble de l’écosystème, sans compter un problème d’accumulation des polluants. »

Ruissellement de pollution

« Le zooplancton, les insectes et les poissons sont affectés par cette pollution et les milieux pauvres, comme les lacs du bouclier canadien, montrent des effets plus importants à un taux plus bas de sel », constate la Pre Beisner.

La perte de zooplancton a notamment entrainé l’augmentation de la biomasse de phytoplancton dans près de la moitié des sites étudiés. Ces changements au sein des lacs pourraient modifier le cycle des éléments nutritifs, la clarté de l’eau et, en bout de ligne, réduire les populations de poissons.

Dans 11 des 16 lacs, les concentrations de sels ont réduit de près de 50 % l’abondance de cladocères —de petits crustacés très sensibles aux changements dans leur milieu. Des tendances similaires ont été observées pour le copépode et le rotifère, des microorganismes des lacs dont les jeunes poissons se nourrissent.

Une seconde étude menée par une étudiante de la Pre Beisner, Marie-Pier Hébert, précise d’ailleurs les impacts d’une forte salinité de l’eau sur la diversité du zooplancton. Certaines espèces s’avèrent plus sensibles au chlore, comme le zooplancton crustacé.

Les auteurs concluent que les lignes directrices actuelles sur la qualité de l’eau, établies par les gouvernements en Amérique du Nord et en Europe, ne protègent pas adéquatement les réseaux trophiques lacustres, et ça, c’est lorsqu’il existe de telles lignes directrices. D’où l’urgence de s’en doter ou de réévaluer les normes existantes pour protéger les écosystèmes.

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