La géoingénierie —cette idée de modifier les paramètres de notre planète— n’a déjà pas bonne presse; elle n’avait pas besoin, en plus, d’une compagnie déterminée à faire parler d’elle.
En avril 2022, la compagnie américaine Make Sunsets a envoyé dans la stratosphère deux ballons météorologiques pour y libérer du dioxyde de soufre, dans le but d’évaluer quelle quantité il faudrait déverser là-haut pour refléter dans l’espace une partie des rayons du Soleil —et du coup, limiter le réchauffement de notre planète.
La quantité déversée était négligeable, sans dangers pour l’environnement. Mais les experts en géoingénierie, qui pour la plupart l’ont appris par un article paru en décembre, n’apprécient pas. Ceux qui ont commenté dans ce reportage et ailleurs ont condamné l’initiative, et « des investisseurs » l’ont décrite comme peu scientifique et même, peu crédible d’un strict point de vue économique.
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Sur papier, l’idée se tient pourtant: une certaine quantité de tel ou tel produit, inoffensive pour les êtres vivants, pourrait effectivement réduire la quantité de lumière solaire qui atteint le sol —une réduction imperceptible pour nous, mais suffisante pour ralentir la vitesse du réchauffement climatique. De la même façon que de déverser une certaine quantité de sulfate de fer dans l’océan (une autre idée qui a fait jaser en 2012) pourrait faire croître les populations de plancton, donc contribuer à ce que les océans absorbent davantage de CO2.
La question qui est posée chaque fois que ces idées sont mises sur la table depuis plus d’une décennie: est-ce que de « jouer » avec les systèmes atmosphériques ou océaniques pourrait avoir des conséquences qu’on ne mesure pas pour l’instant? Et la réponse, chaque fois, est qu’on l’ignore, puisque jamais ces expériences n’ont été menées à grande échelle —même les expériences menées à petite échelle sont rares.
D’un point de vue purement politique, c’est également discutable, commente cette semaine dans Nature Katharine Ricke, professeure de politiques climatiques à l’Institut Scripps d’océanographie, en Californie. Si on s’en va dans cette direction plutôt que dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre, « d’autres effets du dioxyde de carbone dans l’atmosphère —en particulier l’acidification des océans— vont continuer. Et sans une gouvernance appropriée, les intérêts des élites pourraient tendre à contrôler l’utilisation de la technique et ignorer les conséquences pour les populations plus vulnérables. »
Elle ne rejette pas d’emblée la géoingénierie. Mais c’est un domaine, poursuit-elle, « où les climatologues peuvent faire une différence dans la prise de décision ». Déjà en 2021, un rapport de l’Académie des sciences des États-Unis avait proposé des lignes directrices en ce sens. Et avant cela, d’autres groupes avaient souligné que la prise de décision ne devrait pas dépendre d’un pays, comme les États-Unis. C’est dans ce contexte que, dans la foulée des révélations sur l’expérience de Make Sunsets, le gouvernement du Mexique a annoncé le 13 janvier un moratoire sur toute expérience de géoingénierie sur son territoire.
Photo : PxHere / CC