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L’Homo sapiens serait plus hybride qu’on ne l’imagine: plutôt qu’une branche du grand arbre de l’évolution, nous serions assis sur au moins deux, dont une entremêlée avec les ancêtres des Néandertaliens. Ces deux branches auraient « fusionné » à deux reprises, en deux endroits différents du continent africain.

En gros, nos ancêtres directs d’il y a un million d’années auraient en effet formé deux populations distinctes, appelées Stem1 et Stem2. Une sous-branche de Stem1 aurait quitté l’Afrique il y a 600 000 ans et serait devenue ceux qu’on appelle les Néandertaliens. Stem1 et Stem2 auraient par la suite échangé des gènes jusqu’à ce qu’elles « fusionnent », d’une part il y a 120 000 ans dans le sud de l’Afrique et d’autre part à un endroit indéterminé de l’Afrique. Les descendants de cette seconde « fusion » seraient tout autant parmi les populations originaires de l’ouest et de l’est de l’Afrique, que parmi les populations qui ont quitté l’Afrique il y a des dizaines de milliers d’années.

Cette histoire est révélée par l’analyse de gènes de 290 personnes de notre époque, avec l’aide de modèles mathématiques, pour dégager de cette quantité de données les scénarios les plus probables. L’un des co-auteurs, le professeur de génétique humaine Simon Gravel, de l’Université McGill, a contribué à développer l’algorithme rendant possible cette analyse statistique. Le tout ne permet pas de savoir où ces deux branches ont vécu sur le continent africain pendant la majeure partie de cette période. Elle ne permet même pas de savoir où a eu lieu la deuxième « fusion ». Mais la comparaison des gènes de ces 290 personnes provenant d’une diversité de populations d’aujourd’hui, pour la plupart africaines, permet de préciser notre arbre généalogique. Elle permet aussi de savoir qu’en plus des deux lignées résultant des deux unions entre Stem1 et Stem2, on trouve jusqu’à une période récente —moins de 25 000 ans— des descendants directs des lignées « originales » Stem1 et Stem2.

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Si tout cela semble compliqué, c’est parce qu‘il était inévitable que ça le devienne. Depuis une vingtaine d’années, s’accumulent les décodages de génomes d’humains préhistoriques. Or, plus on en ajoute et plus se raffine un portrait qui implique des dizaines de milliers de personnes qui ont migré à travers le continent pendant des centaines de milliers d’années.

La principale surprise pour les auteurs de cette étude parue le 17 mai dans la revue Nature, a été de découvrir deux lignées distinctes dont nous sommes les descendants, alors que depuis longtemps, le portrait traditionnel de la préhistoire a plutôt été celui d’une branche unique qui a progressivement vu disparaître toutes les autres.

Pour certains des experts qui ont commenté cette semaine, cette recherche met le dernier clou dans le cercueil de l’idée d’une « origine unique » des Homo sapiens. L’idée était contestée depuis longtemps, mais encore fallait-il le prouver.

Parmi les hypothèses qu’autorise cette recherche, il y a celui des bénéfices de la diversité génétique : on pourrait imaginer, par exemple, que ces allers et retours entre deux lignées pendant près d’un million d’années aient contribué à la survie des Homo sapiens dans les 50 000 dernières années, alors que les Néandertaliens et les Dénisoviens sont, eux, disparus. Mais ça reste à prouver.

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